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Culture d’algues en façade : ça fonctionne !

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Et si demain nous cultivions des algues sur les façades des bâtiments, afin de produire des compléments alimentaires, du carburant et bien d’autres choses ? En France et en Allemagne, des expérimentations grandeur nature aboutissent à des résultats intéressants.
Algues
Au printemps 2013, à Hambourg, un nouvel immeuble défraie la chronique. Le bâtiment de logements « Bio Intelligent Quotient » (B.I.Q.) comporte en effet, sur 4 étages, des volets de façade abritant un élevage d’algues. Concrètement, il s’agit de caissons verticaux assez plats, vitrés sur leurs deux grandes faces, et contenant un liquide rempli d’algues microscopiques lui donnant une teinte verdâtre. Les 127 volets sont disposés sur les façades les plus exposées au soleil de ce bâtiment dont la conception technique a été portée par le bureau d’études Arup. Des algues en façade ? Pour quoi faire ? Les caissons, appelés bioréacteurs, fournissent un milieu de culture permettant aux algues de se démultiplier en capant l’énergie lumineuse par photosynthèse. À Hambourg, ces algues sont ensuite récupérées afin d’être utilisées comme biomasse pour produire du gaz de chauffage, et éviter ainsi le recours à des carburants fossiles. Le liquide des panneaux, chauffé au soleil, sert également pour produire de l’eau chaude à la manière d’un panneau solaire thermique. Ce dispositif complexe contribue ainsi grandement à réduire la consommation énergétique du bâtiment. Mais d’autres utilisations sont depuis envisagées. Ainsi, l’algue Haematococcus Pluvalis, dont la culture en panneaux de façades a été testée, produit un antioxydant utilisé comme complément alimentaire. On évoque la possibilité de produire des protéines végétales à partir d’algues comme l’Anthrospira. Au-dela de l’alimentation, les cosmétiques utilisent la poudre de polysaccharide, et les résidus de micro-algues pourraient constituer un ingrédient du bio-bitume et constituer une matière première bio-sourcée pour les Travaux Publics. Sans compter que le phytoplancton pourrait, comme celui présent dans les océans, capter le CO2 de l’atmosphère : 1 mètre cube de micro-algues posséderait la même capacité de photosynthèse que 80 à 100 arbres. Les scientifiques s’investissent En France, le CNRS et l’université de Nantes ont inauguré en 2015 la plateforme AlgoSolis afin d’expérimenter la culture solaire de micro-algues. Sur un site de 2000 mètres carrés, les chercheurs testent diverses algues dans différents modèles de bioréacteurs. Ces recherches permettent d’identifier les meilleurs dispositifs techniques pour la culture d’algues, et de paramétrer au mieux les dispositifs d’ajustement de la température, du pH et des nutriments. Ces paramètres régulés par le bioréacteurs diffèrent en effet pour chaque espèce végétale. Ces progrès techniques trouvent leur application dans le bâtiment grâce à l’implication du CNRS et de l’université de Nantes dans le consortium SymBIO2, aux côtés du GEPEA, du bureau d’études OASIIS, du CSTB ainsi que de plusieurs entreprises spécialisées et de l’agence d’architecture XTU. Anouk Legendre, architecte, souhaite ainsi promouvoir dans le bâtiment le concept de symbiose : les interactions biologiques réciproquement profitables entre plusieurs organismes vivants. Vers l’industrialisation des panneaux de façade ? L’expérimentation des bioréacteurs de SymBIO2 est déjà un succès. Le CSTB a ainsi installé 200 mètres carrés de bioréacteurs sur la façade de son bâtiment à Champs-sur-Marne en 2016. Le test a permis lors des deux premières années de tester la croissance de deux types d’algues différentes, offrant différents débouchés. Ce succès opérationnel devrait permettre de généraliser ce type de façades à l’échelle de bâtiments entiers. Le groupement a ainsi participé au projet In Vivo, lauréat de la consultation Réinventer Paris en 2016, dans lequel l’immeuble Algo House en projet comporte une large surface de bio-réacteurs en mur-rideau. Un premier pas vers l’industrialisation en France, avec l’aval du CSTB ? Pour le moment et quatre ans après la consultation, le chantier de ce projet n’a pas encore démarré. A l’international, la réflexion avance également. Lors d’une conférence en 2017 à Singapour, un groupe de chercheurs du Georgia Institute of Technology propose une intégration au BIM des bioréacteurs d’élevage d’algue. Il ne s’agit pas seulement de créer un composant BIM correspondant à ce panneau, mais aussi de modéliser le fonctionnement physique du panneau pour simuler la capacité de production d’algue selon l’orientation des façades, l’exposition au soleil et au vent, la température extérieure, etc. Une avancée vers l’utilisation intelligente de cette technologie dans les conditions les plus appropriées. Certains imaginent même de nouveaux modèles économiques pour la culture d’algues. La start-up française Urban Algae propose ainsi aux propriétaires immobiliers d’investir dans des bioréacteurs qui prennent la forme de tubes de verre, et de les disposer sur les toits ou sur les façades. La start-up s’occupe elle-même de la culture des algues, et reverse une partie des revenus tirés de la revente des algues aux propriétaires. Toutefois, les exemples concrets manquent pour avoir une vision large de ce concept d’élevage d’algues et de sa rentabilité potentielle. Au-delà des effets déjà décrits, les panneaux pourraient avoir un rôle bioclimatique en réduisant la transmission de chaleur en été. Mais est-ce vraiment efficace ? Il semble également que la productivité de ces panneaux soit légèrement inférieure à leur équivalent industriel. Les bailleurs et copropriétés sont-ils prêts à prendre le risque d’entretenir ces dispositifs complexes pour en tirer ces quelques avantages ? Nous ne le savons pas. Mais les idées ne manquent pas, avec notamment, toute droit sortie des rêves de l’agence d’architecture XTU, une ville chinoise futuriste tout de vert fluorescent, qui répondrait à ses propres besoins de ressources d’énergie et de nourriture grâce à des façades entièrement recouvertes de culture d’algues.