fbpx

L’interview du mois : Maud Bougerol, chargée Environnement et Responsable des travaux écologiques du projet d’urbanisation en mer de Monaco, chez Bouygues Travaux Publics

5 minutes de lecture
Maud Bougerol, Chargée Environnement et Responsable des travaux écologiques du projet d’urbanisation en mer de Monaco au sein de Bouygues Travaux Publics, nous présente les actions menées en faveur de la biodiversité dans le cadre de ce projet.
l'interview shared innovation

En quoi consiste le projet d’urbanisation en mer de Monaco et quels sont les enjeux écologiques associés à ce chantier ?

Confrontée à une rareté du foncier sur son territoire exigu, la Principauté de Monaco a lancé un projet d’urbanisation en mer de l’Anse du Portier en vue d’y créer un écoquartier de 6 hectares. Bouygues Travaux Publics est lauréat de la phase 1 qui porte sur la réalisation de l’infrastructure maritime et du remblai nécessaires à la réalisation de l’écoquartier. Les attentes en matière de protection de l’environnement sont très fortes du fait de la nature même du projet mais aussi de sa localisation entre deux réserves maritimes protégées (réserve du Larvotto et tombant des Spélugues). Elles se sont traduites par la mise en place d’une démarche ambitieuse pour la préservation des écosystèmes locaux, menée de concert avec la communauté scientifique. interview-maud-bougerol

La première étape a consisté à préparer la zone avant la réalisation des travaux en éradiquant les espèces invasives et en réalisant des mesures de sauvegarde des espèces protégées. Comment s’est-elle déroulée ?

L’ensemble de ces interventions a nécessité la mise en place de méthodes innovantes et une étroite collaboration avec un réseau de chercheurs et d’entreprises. Le premier défi a concerné l’éradication de la caulerpa taxifolia, une algue invasive présente sur 1,5 hectares de l’emprise du projet, ceci dans un délai d’un mois et demi : une première à cette échelle ! Pour ce faire, le bureau d’études spécialiste des fonds marins Andromède Océanologie a développé un système d’aspirateur conçu spécifiquement pour ce projet. Ensuite, un suivi écologique réalisé par des plongeurs scientifiques a été mis en place avant chaque phase de démarrage des travaux pour vérifier l’absence de repousse de l’espèce et éviter tout risque de contamination d’autres zones. L’emprise du projet abrite également trois espèces protégées : une plante aquatique, l’herbier de Posidonies, un coquillage, la grande nacre, et une algue, le lithophyllum. Après inventaire de leur population, diverses méthodes ont été développées et expérimentées pour transplanter ces espèces dans des zones présentant des conditions similaires à leur milieu d’origine. La méthode classique, qui consiste à déplacer le coquillage et son substrat, a été utilisée pour 31 nacres. 110 autres nacres ont été déplacées via une méthode mise au point par un chercheur de l’Université de Nice expert de l’espèce et testée pour la première fois en grandeur réelle. Le projet a ainsi été l’occasion de valider des hypothèses de recherche (un brevet est en cours de dépôt) et de lancer un projet de recherche sur 5 ans pour étudier l’impact de la réimplantation sur les nacres. Plusieurs dispositifs innovants ont été créés pour le déplacement des 500 m² d’herbier de Posidonies présents sur l’emprise. La méthode finalement retenue a été celle d’une pelle à long bras positionnée sur un ponton déplaçable sur la surface de l’eau. L’herbier prélevé par ce bras a ensuite été transplanté dans différents sites d’accueil, à savoir dans la réserve naturelle du Larvotto située à proximité, qui abrite déjà cette plante à fleurs, et en pied de la digue de Fontvieille, dans une zone bétonnée sans biodiversité. Ces réimplantations diverses donnent lieu à un projet de recherche scientifique pour étudier les impacts à long terme sur l’herbier. 8 enrochements comportant des colonies de lithophyllum byssoides ont également été transplantés et seront suivis pendant 5 ans. Enfin, d’autres actions ont été mises en œuvre pour minimiser l’impact des travaux sur les espèces locales : mise en place d’écrans sous-marins pour éviter que la turbidité générée par les dragages n’atteigne les réserves marines, et vérification de l’absence de cétacés (baleines, dauphins) dans la zone avant chaque démarrage de travaux impactant grâce à un suivi acoustique sous-marin.

Le projet implique la conception d’un remblai sur la mer qui sera entouré d’une ceinture de 18 caissons de 18 mètres de haut chacun. Quelle a été l’approche choisie pour leur conception ?

Ces caissons sont éco-conçus, c’est-à-dire qu’ils sont pensés pour recréer les fonctionnalités écologiques qui pré-existaient dans la zone : nurserie pour les petits poissons, habitat et corridor écologique pour la faune, production halieutique et fonction touristique et culturelle. Tout est fait pour favoriser une colonisation rapide des caissons par la faune et la flore. Nous testons actuellement la colonisation de différents revêtements pour la façade externe des caissons pour la rendre attractive et testons avec différents partenaires l’efficacité de panneaux éco-conçus qui seront placés en façade de caisson afin d’offrir des abris à la faune présente. Nous mettrons en place des solutions d’habitats à l’intérieur des caissons pour les poissons adultes et des dispositifs pour la protection des poissons juvéniles. L’ensemble de ces procédés fera l’objet d’un suivi environnemental sur 10 ans, bien au-delà de la finalisation de l’infrastructure, prévue début 2021.