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Et si demain, les chantiers étaient pilotés directement par la pensée ?

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Contrôler son smartphone par la pensée ; piloter une voiture, envoyer un message ou publier une photo en ligne sans faire aucun mouvement : ces pratiques dignes d’un ouvrage de science-fiction seraient-elles en passe de devenir réalité ? Disposerons-nous demain d’alternatives au corps pour échanger avec le monde extérieur ? C’est ce dont rêvent les géants du numérique qui se sont lancés avec ardeur dans le champ des interfaces cerveau-machine (ICM).
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L’interface cerveau-machine, ou Brain Computer Interface en anglais, désigne un système de liaison directe entre un cerveau et un dispositif électronique (ordinateur, exosquelette, etc.), permettant à un individu d’effectuer des tâches sans passer par l’action des nerfs périphériques et des muscles. Le principe ? Récupérer les informations électriques envoyées par les neurones dans des zones précises du cerveau par le biais de micro-électrodes et de capteurs numériques capables de lire les signaux pour les convertir en vue de permettre leur traitement final par une machine.  

Un champ de recherche ancien, en forte progression dans les laboratoires à travers le monde

Ce champ de recherche, apparu dès les années 70, a déjà fait l’objet de nombreuses avancées, notamment dans les domaines médical et militaire. Elles ont notamment redonné la possibilité de bouger à des personnes amputées, grâce au contrôle de leur prothèse par l’activité cérébrale. En juin 2004, l’américain Matthew Nagle, devenait le premier humain implanté avec un ICM baptisée BrainGate. Depuis, les travaux se multiplient dans un nombre croissant de laboratoires de recherche à travers le monde et les annonces tombent régulièrement : en 2017, des chercheurs de l’Université Wits à Johannesburg (Afrique du Sud) réussissaient à diffuser l’activité d’un cerveau humain en temps réel sur un site Internet ; en avril 2019, des chercheurs de l’Université de Californie à San Francisco mettaient au point un système de décodage des signaux cérébraux qui activent les muscles liés à la parole pour les traduire en mots synthétisés par ordinateur ;  en octobre 2019, le centre de recherche grenoblois Clinatec (CEA) permettait à un tétraplégique d’actionner les membres d’un exosquelette par la pensée, grâce à un implant cérébral.  

Neuralink met au point un premier prototype concluant

En juillet 2016, Elon Musk fondait Neuralink, sa société de neurotechnologie dédiée aux interfaces cerveau-machine. Trois ans et plusieurs millions de dollars plus tard, la société présentait son prototype d’implant cérébral. Si la société n’est pas la seule à travailler sur ces sujets, l’annonce a été suivie avec attention en raison de la rapidité avec laquelle Neuralink a abouti à un prototype et de sa capacité de levée de fonds. Avec quelques avancées technologiques à son actif dont l’utilisation de fils en polymère flexibles de 4 à 6 micromètres de diamètre qui réduisent le risque d’endommager le cerveau  et la mise au point d’un « robot neurochirurgien » capable d’implanter ces fils dans différentes zones du cerveau. Après des exercices sur des singes que la société affirme concluants, elle ambitionne de tester le prototype sur des humains dès 2020, sous réserve de convaincre la FDA (Food and Drugs Administration), la puissante agence fédérale américaine habilitée en la matière. Des annonces qui relèvent aussi de l’exercice de recrutement, car la société a besoin d’expertise pour franchir les prochaines étapes : en particulier, passer d’un forage mécanique du cerveau pour implanter les dispositifs à l’utilisation de techniques au laser, moins invasives.

Les techniques moins invasives, approche privilégiée par Facebook ?

Les techniques moins invasives progressent également, comme en atteste le communiqué réalisé au printemps 2019 par la US Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA). Cette agence de recherche scientifique militaire américaine indiquait avoir mis au point un ICM sans implants cérébraux, sous forme de casque d’écoute, pour permettre au personnel militaire de contrôler des systèmes d’armes dotés de capacités robotiques (drones, armes liées à la cyber-défense) par la seule activité cérébrale. Ces techniques sont la voie que semble également privilégier Facebook dans son exploration des ICM, si l’on en juge par sa récente acquisition de la société CTRL-Labs, en septembre 2019. Cette start-up développe un bracelet capable de piloter un ordinateur via les signaux électriques transmis aux muscles par le cerveau. Avec l’idée de permettre à l’utilisateur de contrôler un appareil comme une extension naturelle de son mouvement, uniquement en pensant à l’action voulue. Pour Andrew Bosworth, responsable de la réalité augmentée et virtuelle chez Facebook, il s’agit d’explorer « des moyens plus naturels, intuitifs d’interagir avec les appareils et la technologie ». Il estime que « d’ici une dizaine d’années, la capacité à taper directement depuis notre cerveau sera peut-être considérée comme normale ». Un avis qui fait suite aux récentes avancées d’un programme lancé en 2017 par Facebook surs les ICM dont l’objectif est de créer un appareil permettant d’écrire par la pensée. En juillet 2019, des chercheurs de l’Université de Californie à San Francisco, qui participent à ce projet, ont réussi à décoder et traduire l’activité cérébrale humaine dans le cadre d’un dialogue à base de questions-réponses à choix multiples, avec un taux élevé de réussite.

Les ICM alimentent les ambitions transhumanistes

Si de nombreuses recherches ont aujourd’hui pour objectif de combattre les effets de maladies affectant le cerveau ou la moelle épinière (Parkinson, épilepsie, Alzheimer, dépression, etc.) et redonner de la dignité aux patients, les ambitions à long terme pourraient être de toute autre nature. « Amélioration cognitive », « humain au cerveau augmenté », « cerveau humain couplé à l’IA », … : à l’image d’Elon Musk, certains affichent des perspectives transhumanistes et imaginent déjà un nombre infini de possibilités. Augmenter la mémoire, la capacité de calcul ou la capacité à traduire des phrases, ou encore, télécharger des données dans le cerveau : des projections qui rendent sceptiques de nombreux scientifiques, à l’instar d’Andrew Hires, maître assistant de neurobiologie à l’Université Californie du Sud, qui estime qu’il s’agit « d’une vision d’un avenir très lointain » et qu’« il n’est pas  certain que nous arrivions un jour à ce stade ». Sans compter les réserves éthiques que ne manqueraient pas de soulever de tels projets.

Une préoccupation très lointaine pour le secteur du BTP

Un jour, les interfaces cerveau-machine pourraient-ils se mettre au service du secteur BTP ? Contrôler des appareils sans faire de mouvement ou par la simple pensée pourrait-il contribuer à sécuriser ou à optimiser les chantiers ? Le secteur explore aujourd’hui le champ des interfaces hommes-machine via les exosquelettes, ces solutions de cobotique capables de porter assistance aux opérateurs pour les efforts les plus pénibles. Et qui fonctionnent à l’aide de capteurs permettant de détecter l’intention de l’utilisateur et d’amplifier son geste pour démultiplier sa force par exemple. Des solutions d’autant plus complexes que le contrôle du mouvement est partagé entre  les capteurs décodant l’intention motrice de l’utilisateur et l’utilisateur qui possède des capacités motrices. Et si les interfaces cerveau-machine offraient, demain, des perspectives de progrès ?