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Mettre en place une démarche de résilience territoriale

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Mettre en place une démarche de résilience territoriale : c’était le thème de la journée de réflexion organisée par Bouygues Construction, la Banque des Territoires et le cabinet Chronos (conseil en innovation urbaine), avec le soutien de France Ville Durable, fin 2020.
A travers un panorama d’outils de diagnostic et d’initiatives menées dans les territoires, les participants ont identifié des clés pour formaliser une démarche de résilience territoriale. France Ville Durable, le Cerema, l’Ademe, le Haut Comité Français pour la Résilience Nationale, l’Institut Paris Région et l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise ont témoigné de la mobilisation des acteurs sur ce sujet et nourri le débat sur la façon de concrétiser le concept de résilience dans les territoires.

La résilience doit être au cœur de chaque politique publique

Sébastien Maire, Délégué Général de France Ville Durable et ex-Chief Resilient Officer à la Ville de Paris, posait le décor dès l’introduction : la résilience n’est pas une politique publique parmi d’autres mais doit être au cœur du développement de chaque politique. C’est à cette condition qu’un territoire aura la capacité de continuer son activité malgré les perturbations auxquelles il peut être confronté, qu’il s’agisse de chocs (inondation, canicule, pandémie, accident industriel, incendie, …) ou de stress chroniques (pollution de l’air, manque de cohésion sociale, pauvreté et inégalités, infrastructures âgées, manque de logements abordables, …). Pour ce faire, les ingrédients sont connus, estime Sébastien Maire : organiser des ateliers collaboratifs pour mobiliser et fédérer les acteurs du territoire, intégrer la résilience dans la gouvernance des collectivités par le biais de bureau de résilience notamment, réaliser un diagnostic partagé, étape incontournable avant de concevoir une stratégie de résilience territoriale et sa déclinaison opérationnelle. Néanmoins, ces démarches sont de long terme et nécessitent une forte impulsion des décideurs publics.

Les territoires peuvent s’appuyer sur une boîte à outils étoffée mais doivent concevoir leur propre approche de résilience territoriale

Même constat concernant les outils de la résilience territoriale. Une réelle expertise s’est développée depuis quelques années, mettant à disposition des collectivités une large palette d’outils, conçus aussi bien par des organisations internationales, des consultants ou des associations que des institutions nationales. La séance a été l’occasion de mettre en avant deux d’entre eux :
  • La boussole de résilience territoriale du Cerema (Centre d’expertise pour les acteurs des territoires), dont le lancement coïncidait avec la date de l’atelier. Selon Aurore Cambien, Directrice de projet Résilience territoriale au Cerema, la boussole vise à guider les territoires pour renforcer leur capacité à se préparer, à réagir et à s’adapter aux différentes perturbations qui peuvent survenir, qu’il s’agisse de chocs ponctuels ou d’évolutions de long terme. Ce guide, structuré en 6 leviers et 18 principes d’action, permet d’analyser tout projet ou politique publique en vue de proposer des réponses adaptées aux aléas présents ou futurs.
  • Le label Pavillon Orange, décerné par le Haut Comité français pour la résilience nationale aux communes qui répondent à des critères en termes de sauvegarde et de protection des populations face aux risques majeurs. Le label prolonge les réglementations nationales et reprend notamment les préconisations de la Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises. Une soixantaine de villes françaises sont titulaires du label, estime Christian Sommade, Délégué Général du Haut Comité Français pour la Résilience Nationale.
Face à cette panoplie, il revient à chaque territoire de choisir la méthode et les outils qui correspondent à son ambition et de construire son approche, car il n’existe pas de chemin tout tracé vers la résilience territoriale. La bonne nouvelle étant que l’offre et l’ingénierie se structurent pour accompagner les territoires dans leurs démarches : en témoigne la présentation, par Natacha Monnet, Chargée de mission Villes et territoires durables à l’Ademe, de l’accompagnement méthodologique dédié à la résilience qui sera proposé début 2021 par l’Ademe Ile-de-France aux territoires franciliens volontaires.

Approche holistique ou sectorielle ?

La résilience, bien que relevant d’une approche nécessairement globale et systémique, peut être initiée à partir d’un risque spécifique. C’est un des messages qu’a fait passer Ludovic Faytre, Responsable Etudes « Risques-Aménagement » à l’Institut Paris Région qui présentait ses travaux sur la diminution de la vulnérabilité aux inondations en Ile-de-France. En Ile-de-France, les effets d’une inondation majeure dépasseraient largement les seules zones inondées et impacteraient l’intégralité du territoire du fait de la concentration des enjeux et des vulnérabilités systémiques : menace vitale pour les populations, dommages aux constructions, perturbation ou interruption des services publics (santé, éducation), des réseaux (énergie, transport, eau potable, assainissement) et des activités économiques et menace sur la satisfaction des besoins primaires des populations (hébergement, approvisionnement, …). Selon l’intervenant, la compréhension et l’acceptation de sa propre vulnérabilité est certainement le premier pas vers la résilience et les mesures pour la réduire dont nécessairement diverses : protection (digues), adaptation des réseaux et des infrastructures, spécificité de l’aménagement des zones inondables, culture du risque (sensibilisation), plans de continuité d’activité des entreprises et des services publics, …

Approche « cindynique » ou globale ?

« La résilience n’est pas synonyme de gestion de crise, elle va bien au-delà », rappelait Sébastien Maire. La résilience est-elle nécessairement « cindynique » (liée à un choc) s’interrogeaient les participants ou est-elle également globale, liée à des phénomènes lents et à grande échelle (changement climatique, …) ? Un territoire peut-il être résilient à toutes les perturbations ? La résilience n’est-elle pas plutôt un processus, s’appuyant sur des piliers incontournables :
  • Robustesse : limitation de la propagation des défaillances en anticipant les effets cascade
  • Inclusivité : implication de toutes les parties prenantes (population, entreprises, …) dans le cadre d’une gouvernance globale, car « la somme des résiliences individuelles ne fait pas une résilience collective »
  • Intégration : approche transversale privilégiée, pour générer des bénéfices multiples (exemple du watersquare Benthemplein, espace public inondable servant par temps sec de terrain de sport ou d’amphithéâtre)
Concluons avec Frédéric Pontoire, Directeur d’étude à l’Agence d’urbanisme de la Région Grenobloise (AURG), qui établit le lien entre résilience et prospective : « Face à un avenir incertain, construire une stratégie territoriale, un projet de territoire, un document de planification, suppose de se départir des outils habituels qui proposent un scénario prospectif unique. Une agence d’urbanisme doit aider à l’élaboration de politiques publiques qui préparent à affronter des changements brutaux, plus ou moins prévisibles ». C’est pour répondre à cet enjeu que l’AURG a déployé avec ses partenaires une Plateforme des prospectives et des stratégies afin de capitaliser sur les initiatives émergentes sur le territoire de l’aire grenobloise, et fédérer les acteurs autour de connaissances et de leviers d’actions visant l’amélioration de la résilience territoriale locale.