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Résilience

Faut-il avoir le dos au mur pour agir ?

Par Anne Borrel,

11 Octobre 2019

« Je veux qu’on me dise comment nous allons mettre fin à l’augmentation des émissions d’ici 2020, et réduire les émissions de façon drastique pour atteindre la valeur nette de zéro émissions d’ici le milieu du siècle ». António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, s’adresse aux dirigeants politiques et économiques réunis les 23 et 24 septembre à New York, autour de la question de la lutte contre le changement climatique.
Depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992, la question récurrente n’est plus « pourquoi », mais « comment » enrayer le dérèglement de la grande horloge qui fait la pluie et le beau temps. Un terme s’est imposé lors des multiples conférences consacrées en 2012 au développement durable, pour se substituer à celui de durabilité : la résilience.

"Fluctuat nec mergitur"

Dérivé du latin resilirequi signifie littéralement « sauter en arrière », ce mot a évolué en anglais vers une idée de rebond en avant, adoptant une connotation positive. Il apparaît au XXème siècle dans le vocabulaire français de la mécanique, pour définir les chocs et la déformation que peut subit un matériau sans se rompre. Le terme est popularisé par la psychologie et les essais de Boris Cyrulnik qui l’explique comme « l’art de naviguer dans les torrents ».

"Les individus sont résilients quand ils survivent, s’adaptent, se transforment, grandissent, quelques soient les stress."

‐ Noémie Fompeyrine, en charge du projet résilience à la mairie de Paris

« Fluctuat nec mergitur », dit la devise de Paris. « Battue par les flots, elle ne coule pas. C’est la métaphore même de la résilience, confirme Noémie Fompeyrine, en charge du projet résilience à la mairie de Paris. Les individus, communautés, institutions, entreprises ou des systèmes comme une cité sont résilients quand ils survivent, s’adaptent, se transforment, grandissent, quelques soient les stress chroniques (pollution, chômage, raréfaction des ressources, violence récurrente…) et les chocs (attentat, incendie, tremblement de terre, inondation…) qu’ils expérimentent. Ce processus permet d’être mieux, dans les bons comme dans les mauvais jours, pour le bénéfice de tous. »

Dans la lutte d’une ville ou d’une entreprise contre le changement climatique, le processus vise un maximum d’objectifs : la préservation de l’économie, de la biodiversité, la réduction de l’empreinte carbone, le confort, l’équité et la solidarité des habitants, l’accueil des migrants. « Ainsi la résilience couvre tous les champs du système et s’envisage de façon holistique. »

Des villes, des régions, ont incarné cette résilience. Ce sont Detroit, Loos-en-Gohelle, ou le Sud Alsace. À d’autres, hésitantes, tout aussi fragiles et démunies qu’elles l’ont été, elles montrent la voie de l’action.

« Success resilient stories »

Un seul déplacement est programmé lors de la COP 21, en 2015 : la visite de 1 000 chefs d’Etat et décideurs de la planète à Loos-en-Gohelle, petite ville du Nord-Pas-de-Calais de 7 000 âmes. La même année, dans le Haut-Rhin, Ungersheim et ses 2 200 habitants font l’objet d’un documentaire à succès : Qu’est-ce qu’on attend ? de Marie-Monique Robin. Archétypes des villes industrielles polluantes du milieu du XXesiècle, vivant respectivement de l’extraction du charbon et de la potasse, les deux communes sont devenues au XXIesiècle des modèles de résilience et de développement durable.

De même Kingersheim, petit bourg de la banlieue de Mulhouse : Raphaël Glucksman et Diana Filippova viennent s’inspirer des initiatives locales, en novembre 2018, pour coconstruire le projet politique de Place publique. Outre-Altlantique, Détroit, capitale déchue de l’automobile, asphyxiée en 2010 par une dette de 18,5 milliards de dollars, a retrouvé en moins de cinq ans un second souffle en subvenant seule à ses besoins vitaux.

Loos-en-Gohelle, le Sud Alsace, Détroit : ces territoires en déprise ont fait preuve d’une résilience exemplaire.

Comment ces territoires, frappés du choc de la désindustrialisation, meurtris, ont-ils pu construire des « success stories » qui fascinent aujourd’hui personnages publics et médias ? Comment ont-ils pu rebondir pour incarner les territoires résilients de demain ? Grâce à un développement durable, innovant, désirable, bâti précisément sur les fondations d’un monde industriel révolu.

C’est à leurs maires que la majorité de ces villes-modèles doivent cela. À Loos-en-Gohelle, Jean-François Caron, kinésithérapeute, militant puis élu écologiste, fils du maire précédent, construit et soutient depuis 2001 un nouveau modèle de « prospérité sans croissance », pour reprendre l’expression de Tim Jackson, afin de tourner la page du charbon. Dans le Sud Alsace, Joseph Spiegel dit « Joe », maire de Kingersheim, Jean-Claude Mensch, maire de Ungersheim, Michèle Lutz, première femme maire de Mulhouse, et Cécile Sornin, adjointe en charge du développement de l’économie sociale et solidaire et de la démocratie participative, jouent le rôle de piliers de la résilience.

À Détroit en revanche, ce sont les citoyens qui se mobilisent en 2012 pour éviter la totale déliquescence de la ville, faute de pouvoir s’appuyer sur son maire David Bing et le conseil municipal : la ville, au bord de la banqueroute, est sur le point de passer sous le joug d’un gestionnaire de crise. Finalement le maire de Détroit et le conseil municipal garderont leurs fonctions, avec des capacités de décision limitées : un conseil financier est chargé d’émettre des recommandations et d’examiner les questions fiscales.
Mais les habitants, échaudés par les problèmes de corruption des administrations précédentes, de projets inadaptés et avortés, s’en défient.

Ces acteurs, quels qu’ils soient, ont cessé de faire confiance au destin et ont instauré, au sein de communes ou de quartiers, une démocratie participative incluant les habitants dans cette démarche de transition. Le conseil municipal est secondé ou remplacé par des « conseils participatifs » ou « commissions participatives ». À Ungersheim, on peut y contribuer, après avoir signé une charte de bonne conduite plaçant la recherche du bien-être de la population au centre des préoccupations.

Tous ces protagonistes ont fait un choix pour leur territoire : la déprise. Ils ont définitivement tourné le dos à leur activité industrielle passée – le charbon pour Loos-en-Gohelle, l’engrais pour Ungersheim, le textile pour Mulhouse, l’automobile pour Détroit. Pour se relever et avancer, il a fallu, dixit Jean-François Caron, « un changement de lunettes », un changement de représentation.

D’abord regarder le passé avec fierté. Pas question de vivre dans la honte de l’échec. Loos-en-Gohelle a fait classer ses deux terrils, symbole d’un passé douloureux, au patrimoine de l’Unesco. Elle les a transformés en lieux culturels, « On a fait du land art(art du paysage)en peignant un cœur sur l’un des flancs, raconte Jean-François Caron. On ne les a plus regardés comme la honte du Nord, mais on se disait que finalement ces terrils étaient nos pyramides à nous. » Des habitants de Détroit ont peint leur histoire sous forme de fresques sur quelques-uns des bâtiments qui bordent les immenses avenues conçues pour les voitures. Rien de triste ne ressort de ces témoignages.

Ensuite, poser vers l’avenir une vision ambitieuse, à long terme. Mulhouse a fait de son ancienne fonderie, rebaptisée KM0, un campus de start-up à l’image de Station F, à Paris. A Loos-en-Gohelle, la base 11/19, un ancien site minier, a été transformé en « laboratoire de développement » autour de l’écoconstruction, premier domaine par lequel la ville a amorcé une politique de développement pérenne, comme le Sud Alsace ou Détroit. Cette politique vise trois résultats : environnemental (la baisse de la dépendance aux énergies fossiles), social (la baisse du coût de la vie, des économies d’eau et d’énergie, le renforcement du lien) et économique (favoriser les circuits courts, les compétences à valeur ajoutée…).

Tous ces territoires ont abandonné en grande partie l’essence. Détroit est devenue la capitale du vélo. Les enfants d’Ungersheim vont à l’école en calèche. Loos-en-Gohelle, Kingersheim, ou Ungersheim ont fait installer sur leurs communes des centrales photovoltaïques. Ungersheim possède son propre jardin biologique qui approvisionne le quart des habitants et les cantines scolaires. À Loos, on cultive des jardins partagés entre les immeubles. Les friches industrielles qui émaillent la ville de Mulhouse se convertissent une à une en terres agricoles bio, gérées par des Amap ou des coopératives ; ses propres cultures et celles des champs qui entourent la ville la nourrissent, allant directement, selon le mot de la maire, « de la terre à l’assiette ».

Outre-Atlantique, comme dans le Nord-Pas-de-Calais ou le Sud Alsace, des ateliers de réparation participatifs, de recyclage et de nettoyage du bâti, des projets éducatifs contribuent également à tisser le lien social.

Pour renforcer la solidarité des habitants et l’économie locale, Detroit a expérimenté plusieurs modèles de banques alimentaires. Les habitants d’Ungersheim peuvent acheter les produits certifiés bio du village avec la monnaie locale : « les radis ». Les épiceries solidaires se multiplient à Mulhouse, et certains des habitants s’inquiètent, raconte Cécile Sornin : « Vous attirez les pauvres ! »

A émergé ainsi un réseau d’organisations communautaires à but non lucratif, relevant de l’économie sociale et solidaire, un ensemble de modes de vie alternatifs, voire anticapitalistes… qui attire les capitaux. Les investisseurs immobiliers pourraient fragiliser le système. À Detroit, par exemple, Ford a annoncé en juin 2018 le rachat de Central Station, l’ancienne gare de Détroit, pour la transformer en centre de recherche sur les véhicules autonomes électriques d’ici 2022.

"Nous sommes habités par un principe de croissance"

Interview avec Sébastien Bohler, docteur en neurosciences, rédacteur en chef de Cerveau & Psycho, et auteur de l’essai Le Bug humain*.

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », alertait le Président Jacques Chirac en 2002 au sommet de la Terre de Johannesburg. Presque vingt ans après, cette remarque est toujours aussi vraie. Qu’est-ce qui ne va pas chez nous ?

Notre cerveau. Comme celui de tous les mammifères, il est programmé depuis des centaines de millions d’années pour poursuivre cinq objectifs essentiels liés à sa survie : manger, se reproduire, acquérir du prestige social, produire un minimum d’efforts et glaner un maximum d’informations sur notre environnement.
Chaque fois que nous produisons une de ces actions, qui assure notre survie, nous sommes récompensés par une partie de notre cerveau, le striatum, qui nous envoie de la dopamine, du plaisir.
Mais ce déterminisme biologique fait aussi que, pour avoir toujours plus de plaisir, l’on meurt plus de suralimentation que de faim, dans le monde, que l’on consomme toujours plus de vidéos pornographiques (136 milliards à l’année, ce qui représente 38 % du trafic internet), qu’on passe toujours plus de temps sur les réseaux sociaux, favorisant le développement d’une industrie du numérique qui émet autant de gaz à effet de serre que le transport aérien.
Nous sommes habités par un principe de croissance : si nos actes ne produisent pas toujours plus de stimulation, la production de dopamine baisse, le plaisir s’émousse et la seule solution pour la relancer c’est d’augmenter nos consommations.

Le rôle de la technologie se limiterait-il à l’assouvissement de ces désirs ?

L’homme a créé toujours plus d’outils, de technologie, pour atteindre ses objectifs instantanément, sans se fatiguer, sans limites, ce qui alimente aussi ses appétits. Nous avons développé les moyens technologiques d’un dieu avec les besoins d’un primate. Mais si l’homme a développé la machine pour mieux vivre, à présent l’homme dépend de la machine.

Un cercle infernal en quelque sorte… Comment en sortir ?

Il y a deux solutions. La première consiste à comprendre comment on fonctionne, se livrer à une introspection scientifique : si je veux toujours plus d’infos toujours plus vite, toujours plus de « followers » et de « like » sur les réseaux sociaux, de nourriture, de vêtements, c’est parce que mon striatum m’y pousse. Se pose alors la question de la liberté. Suis-je libre si c’est mon striatum qui décide ? La liberté est-ce uniquement faire ce que l’on veut, quand on veut, consommer toujours davantage ? N’est-ce pas plutôt de choisir son bien ?
La deuxième est de détourner son striatum des cinq objectifs que je vous ai cités, et l’inciter à valoriser d’autres comportements, comme l’altruisme, pour l’estime de soi.

Comme ceux de mère Teresa que vous citez dans votre dernier livre – Le Bug humain ?

‐ (English) []

Il y a deux ans, des chercheurs zurichois découvraient, en étudiant les comportements de générosité dans la population, qu’ils étaient plus solidement ancrés chez les femmes que chez les hommes, et qu’ils activaient chez elles les circuits de la récompense et du plaisir. Indéniablement, l’altruisme les rendait heureuses. Sans doute ces femmes ont-elles été encouragées par l’éducation à faire preuve de sollicitude et d’empathie, quand les garçons ont été incités à se battre. Si on se penche sur la biographie de mère Teresa, on constate qu’elle a été soumise à ce « conditionnement » de manière poussée par sa mère.

Il faudrait donc éduquer les hommes comme les filles à l’altruisme ?

Oui, il faudrait rééduquer l’humain par l’humain. Il faudrait que tous les habitants de la planète mènent le même combat, dans un système concerté ou – autre scénario – régi par une dictature écologique mondiale : construire un avenir où les échanges, le plaisir d’apprendre, de se poser des questions, de marcher dans la forêt, de peindre ou de jouer d’un instrument prennent le pas sur des besoins primaires. De nouvelles normes sociales, un nouveau discours dominant (émanant à la fois des médias, de la famille, des personnalités publiques…), pourraient modeler de nouveaux modes de pensées, de nouveaux comportements et nous déshabituer de la technologie et des gadgets.
On sait depuis quatre ans, grâce à des recherches menées à l’université de Californie, que l’on peut activer la dopamine grâce à la connaissance. Ce serait une vraie rééducation qu’adultes et enfants s’habituent à se concentrer sur un temps long, à ne pas céder aux distractions. La méditation aide à cela. C’est sans danger pour l’environnement : cela ne produit pas de gaz à effet de serre.
Mais le premier qui fait cela tout seul est mort.

* Le Bug humain. Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher,paru le 7 février 2019 chez Robert Laffont, 270 p.

Les villes face au défi climatique

Toutes les villes ne sont pas égales face au changement climatique. Certaines ont publié et engagé leur stratégie de résilience. D’autres tardent à passer à l’action… ou renoncent.

Les scientifiques français ont révisé à la hausse le réchauffement climatique : + 7° en 2100. Les études menées par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et de Météo-France, révélées mi-septembre, sont terrifiantes, car 70 % des habitants de la planète vivront en ville en 2050. C’est essentiellement aux villes qu’il incombe le respect de l’Accord de Paris. Elles sont partie du problème (elles consomment les deux tiers de l’énergie mondiale et sont responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre), victimes potentielles des catastrophes, et doivent trouver de solutions pour demain, en tant que centres politiques, moteurs de l’économie (elles génèrent 80 % de notre PIB), et centres d’innovation.
Les derniers rapports gouvernementaux leur ont rappelé les efforts à fournir pour rester sous la barre des 2° : ne plus vendre de voitures fonctionnant à l’énergie fossile d’ici 2035, réduire les émissions des bâtiments d’au moins 80 % de leur niveau actuel d’ici 2050, atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, réduire les émissions de CO2de 50 % d’ici 2030…
Ce ne sont pas des évolutions naturelles mais des changements radicaux auxquels la société doit faire face.

Car les changements sont déjà là. On n’apprendra plus dans les livres de géographie, par exemple, que Paris est « idéalement tempérée ». En 2003, la canicule a tué 700 de ses habitants. Le changement climatique rendra ces vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses. Alors que Paris est l’une des plus grandes capitales d’Europe, elle ne dispose que de 14,5 m2d’espace vert par habitant, contre 45 m2pour Londres, et 321 m2pour Rome. La pierre, l’asphalte, les surfaces imperméables qui recouvrent ses sols n’augmentent pas seulement la chaleur intra-muros mais aussi sa vulnérabilité aux inondations, notamment lors des crues centennales.

La capitale s’est engagée dans une stratégie de résilience « exemplaire », partagée sur le réseau « 100 Resilient Cities » dont elle est membre.
« Lorsque nous avons développé notre stratégie,explique Noémie Fompeyrine, en charge du projet résilience à la mairie de Paris, les cours d’écoles et de collèges ont attiré notre attention. Ce sont 70 ha d’espaces extérieurs, facilement identifiables et familiers aux habitants. Aucun Parisien ne vit pas à plus de 250 m de l’une de ces cours. Elles pourraient devenir des lieux publics de proximité, en dehors des temps éducatifs. » La stratégie de résilience de Paris prévoit la rénovation de 761 cours, pour les transformer en « oasis », « conçues avec les habitants et dessinées parfois par les enfants », précise-t-elle. Leurs sols, en terre ou couverts d’un revêtement drainant, peint de couleurs claires, sont ombragés de vergers, de jardins pédagogiques. Les « oasis » assurent à la fois une baisse de la température l’été, plus de douceur l’hiver, et facilitent l’écoulement de l’eau lors des orages. « Grâce à ces oasis, nous atteignons un maximum d’objectifs : renforcer le lien social, la biodiversité, minimiser les risques d’inondation, diminuer l’empreinte environnementale, assurer un support pédagogique. » Trois cours pilotes ont engagé leurs travaux dans les 12e, 18eet 20earrondissements, pour un coût d’1 million d’euros.

Un quart seulement des villes européennes seraient passées à l’action. « Elles nient le problème, selon le philosophe Dominique Bourg,pour qu’il n’existe pas. » Or ce n’est pas à une catastrophe climatique que les villes vont devoir faire face, mais à plusieurs cataclysmes simultanés, selon une étude publiée en novembre 2018 dans la revue Nature Climate Change. Les zones côtières seront les plus vulnérables, et toutes les villes ne sont pas également armées face au défi climatique. « New York dépense sans compter pour se protéger de la montée des eaux », titrait Le Figarole 25 octobre. Mais Saint-Martin, aux Antilles, par exemple, dévastée il y a deux ans par l’ouragan Irma qui a fait onze morts et a valu l’exode de près de 8 000 habitants sur 35 000, a du mal à se préparer à demain. « Nous devrions construire de façon plus résiliente, mais cela coûte quatre fois plus cher si l’on veut intégrer la problématique antisismique, déplore Daniel Gibbs, président du conseil territorial. Le coût n’est pas le seul frein, les lourdeurs administratives en sont un également », précise-t-il.
« La résilience est un processus lent, laborieux ; elle exige une vision à long terme et beaucoup de flexibilité,soutient Noémie Fompeyrine. Or l’horloge climatique s’affole de plus en plus vite. Pour les court-termistes, le challenge n’est pas tenable. » Ainsi le Président indonésien Joko Widodo a-t-il annoncé le déménagement de sa capitale de Jakarta à l’île de Bornéo. Polluée, surpeuplée, elle est surtout menacée d’engloutissement : « Au rythme actuel, un tiers de la ville pourrait se retrouver sous les eaux d’ici 2050, selon des experts environnementaux. Le poids des constructions et gratte-ciel fragilise un peu plus les fondations de cette ville, bâtie sur des marécages », publiait le journal Les Echosle 16 août dernier.

L’inégalité des villes se lit dans leur rapport à la nature, selon leur capacité à coopérer ou non avec elle, au lieu d’essayer de la défier. La philosophe Joëlle Zask parle d’« anthropisation de la nature »pour définir cette relation d’entretien, de partenariat. Elle est la meilleure des infrastructures – une infrastructure verte – pour favoriser la résilience en absorbant le carbone, réduisant les risques d’inondation, régulant la température, diminuant les nuisances sonores…

Une étude américaine sur le rôle des espaces publics dans la cohésion sociale (Public Space Design and Social Cohesion, Patricia Aelbrecht, ‎Quentin Stevens – 2019) souligne l’intérêt des parcs de Philadelphie : ils rapportent cent fois plus que ce qu’ils coûtent annuellement, en comptant les dépenses évitées pour la gestion des crues et des orages, les comportements antisociaux, la santé…
Les solutions fondées sur la nature : le concept a émergé en même temps que celui de résilience. Ce n’est sans doute pas un hasard.

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