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Raréfaction des ressources : quelles solutions alternatives ?

4 minutes de lecture
Batteries de véhicules électriques, énergie nucléaire, éclairage LED, éoliennes, panneaux photovoltaïques… La transition énergétique est en marche pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Mais paradoxalement, ces technologies et énergies vertes épuisent les ressources planétaires et polluent l’environnement, car elles nécessitent de nombreux minerais.

Le monde bas carbone, un monde « hautes matières »…

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), si nous voulons produire assez d’énergie verte pour respecter les engagements de l’Accord de Paris pris en 2015, l’humanité devra quadrupler sa production mondiale de métaux d’ici 2040, . Concernant la mobilité, la demande de minerais destinés aux véhicules électriques et au stockage des batteries sera multipliée par trente d’ici 2040 (source : AIE, 2021).  

… aux conséquences environnementales et sanitaires considérables

Or, l’extraction et le raffinage de ces métaux sont donc nécessaires à la transition écologique de nos sociétés, mais entraînent de lourdes conséquences environnementales et sanitaires. Par exemple, Guillaume Pitron, spécialiste de la géopolitique et des matières premières, rapporte que la purification de chaque tonne de terres rares (métaux indispensables à l’industrie de pointe) requiert l’utilisation d’au moins 200 mètres cubes d’eau, qui se chargera d’acides et de métaux lourds avant d’être potentiellement rejetée dans la nature. Ainsi, les technologies dites « propres » car non émettrices de CO2 lors de leur utilisation, nécessitent en réalité de nombreux métaux pour leur fabrication ; métaux dont l’exploitation et le recyclage reposent sur un processus de délocalisation de la pollution. Les impacts sont également humains puisque l’extraction de ces minerais, souvent réalisée hors de l’Union européenne, reposent dans certains pays sur le travail de dizaines de milliers d’enfants et sont à l’origine de plusieurs conflits armés, souligne  journaliste scientifique dans le journal du CNRS  

Des enjeux géopolitiques majeurs pour l’accès aux métaux critiques

Plusieurs analystes alertent sur une potentielle escalade des tensions géopolitiques. Les réserves des métaux les plus critiques étant concentrées dans quelques pays seulement, de nombreux experts (dont l’Agence internationale de l’énergie) s’inquiètent des luttes futures pour l’accès aux matériaux les plus critiques dans le monde. Actuellement, la Chine fournit 98 % de l’approvisionnement de l’UE en terres rares, la Turquie 98 % de l’approvisionnement de l’UE en borate, et l’Afrique du Sud 71 % des besoins de l’UE en platine. Cela pose question vis-à-vis de la souveraineté écologique et autonomie énergétique à l’heure où un « nationalisme minier » émerge dans de nombreux pays.
« Pour satisfaire les besoins mondiaux d’ici à 2050, nous devrons extraire du sous-sol plus de métaux que l’humanité n’en a extrait depuis son origine » (Guillaume. Pitron, La guerre des métaux rares – La face cachée de la transition énergétique et numérique. Les liens qui libèrent)  

Low-tech, right-tech, just-tech… Des approches alternatives pour la ville de demain

Face à l’insoutenabilité actuelle de ce modèle économique et industriel, et face aux enjeux environnementaux, sociaux, sanitaires, à la raréfaction des ressources et aux risques géopolitiques associés, les concepts de low-tech, right-tech et just-tech prennent de l’ampleur depuis une dizaine d’années. Si, étymologiquement, le concept de low-tech s’est développé par antonymie avec la high-tech, il ne signifie pas un rejet de toutes technologies. Questionnant la course à l’innovation technologique comme une fin en soi, ces démarches invitent à réfléchir à d’autres manières de produire et de consommer, afin d’inscrire nos actions dans le cadre des limites planétaires. Pour le secteur de la construction, cela suppose tout d’abord d’éviter les constructions neuves ou les démolitions et plutôt de privilégier les réhabilitations et transformations des bâtiments existants. Quand cela n’est pas possible, on peut adopter des modes constructifs ayant le moins d’impact possible sur l’environnement. Concrètement ? Cela implique de privilégier l’utilisation de matériaux biosourcés et géosourcés locaux, avec des techniques constructives mobilisant le moins de machines et de ressources possible, et générant peu de déchets. La démarche low-tech encourage également une plus forte implication des usagers et des habitants, tout en renforçant leur pouvoir d’agir et leur autonomie. Cela passe par exemple par une meilleure compréhension du fonctionnement de nos lieux de vie et par l’adoption de nouveaux comportements (éteindre la lumière la nuit dans les bâtiments tertiaires, fermer les volets, etc.). La promotion d’équipements frugaux, ou encore, la mise en place d’initiatives au service du lien social, comme la mutualisation de services et d’équipements, sont également des options. Le développement de la low-tech présente également un fort potentiel à l’échelle des villes et territoires. Que cela soit pour des questions de végétalisation, de mobilités, d’espaces publics, d’énergie, de gestion des déchets, d’assainissement de l’eau ou encore pour le tourisme, cette approche peut apporter de nombreuses solutions pour rendre les territoires plus durables et résilients.  

Passer d’actions isolées à un modèle sociétal !

Plusieurs acteurs de la fabrique de la ville commencent à développer une démarche low-tech dans leurs projets. Loin des modèles de « smart city » et de « green tech » dépendantes d’énergies et de métaux de moins en moins accessibles, la démarche low-tech propose un cadre innovant pour concevoir, bâtir, et aménager des villes et territoires plus durables, plus inclusifs et plus résilients. Pourtant, il existe encore de nombreux freins sémantiques, psychologiques, réglementaires, économiques et culturels. Aujourd’hui, l’imaginaire dominant est celui de la smart-city et du techno-solutionnisme face aux grands défis de ce siècle. Il y a donc un véritable enjeu à valoriser la soutenabilité d’approches alternatives en promouvant de nouveaux imaginaires (faire l’expérience de nouveaux imaginaires, faire évoluer nos représentations, changer notre relation au monde…), et en apportant des solutions concrètes (donner de la consistance aux imaginaires au travers d’exemples de projets vertueux et de sociétés adoptant ces nouveaux modèles).
« La ville high-tech n’est ni une évidence, ni une fatalité. D’autres trajectoires sont possibles et souhaitables, comme la ville (ou métropole) low-tech, c’est-à-dire une ville qui, sans rejeter en bloc la technologie et l’innovation technique, fait montre d’un plus grand « techno-discernement », tant pour l’environnement que pour notre autonomie et notre résilience individuelles et collectives. » Philippe BIHOUIX Ingénieur, Directeur général du groupe AREP, Référent thématique du Labo de l’ESS  

Aller plus loin :  

Pour en savoir plus, découvrez notre note de tendances #13 « Low-tech, Just-tech, Right-tech… de nouvelles approches pour les villes et territoires ».