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Quelles solutions pour réduire les embouteillages en ville ?

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La lutte contre la congestion du trafic automobile a toujours été un enjeu majeur pour les territoires, qui ont expérimenté différentes approches allant de la création de voies supplémentaires à la suppression des voies et au développement de l’intermodalité.
L’ONU a fait le calcul : plus de 2.200 milliards de dollars seraient perdus chaque année pour l’économie mondiale à cause de la congestion routière dans les pays développés. Et pour contrer cela, de nombreuses mesures ont été testées un peu partout dans le monde. La première d’entre elles : proposer davantage de voies ou de routes pour permettre au trafic de s’étaler dans l’espace.   Sur le papier, cela semble logique : si on augmente le nombre de voies et que le nombre de véhicules reste le même, alors on fluidifie le trafic et on réduit les embouteillages. Pourtant, dans les faits, l’histoire montre que l’inverse se produit. Aux États-Unis, à Houston, la Katy Freeway en est le parfait exemple. C’est une vaste autoroute construite dans les années 1960 avec 2 x 6 voies de circulation. À cause des embouteillages, elle a été agrandie à 2 x 8 voies en 2000 ; puis a été à nouveau agrandie à 2 x 10 voies en 2004 ; à 2 x 11 voies en 2006 et enfin 2 x 13 voies en 2008.   Pourtant, cette autoroute continue d’être embouteillée alors qu’elle est désormais constituée de 26 voies. C’est à cause de ce qu’on appelle le trafic induit.

La Katy Freeway, à Houston – photo by Aliciak3yz sur Wikipedia

Le trafic induit, qu’est-ce que c’est ?  

Le trafic induit est une notion documentée par les urbanistes et les scientifiques qui démontre que les automobilistes sont ce qu’on pourrait appeler “des profiteurs d’infrastructures”. Ainsi, plus on offre de voies de circulation et plus cela incite à se déplacer en voiture, à partir plus loin, à s’installer plus loin. Il y a un adage pour cela en urbanisme qui veut “qu’on ne construit pas un pont en fonction du nombre de personnes qui traversent la rivière à la nage”. Autrement dit, chaque nouvelle infrastructure attire ses usagers. Et par ce biais, rajouter des infrastructures produit l’effet contraire de ce que l’on souhaite : au lieu de réduire les embouteillages, cela attire davantage d’automobilistes.      À l’inverse, lorsqu’on supprime des infrastructures (des routes, des voies, ou même des ponts), les automobilistes modifient leurs comportements et s’organisent autrement pour se déplacer. La municipalité de Rouen possède un exemple bien précis à ce sujet, lié à un accident survenu sur le pont Mathilde en 2012 et entraînant sa fermeture pendant presque 2 ans. Or, avant l’accident, 90 000 véhicules passaient là chaque jour.     La ville de Rouen et le Cerema ont travaillé sur une étude pour comprendre comment la fermeture du pont allait impacter ces 90 000 voitures. Entre autres, ils ont ainsi constaté une diminution globale du trafic automobile de l’ordre de 12%, précisant avoir “mis en évidence que le volume des véhicules en traversée de Seine a baissé et que les modes alternatifs à la voiture, comme les transports en commun et les modes actifs ont connu une augmentation de leur usage”.   Dans ses travaux sur le sujet, le Cerema possède un autre exemple Français qui illustre ce principe, à Nantes, où la requalification d’un boulevard à 2 x 2 voies en un boulevard avec une seule voie de circulation + voie de bus + piste cyclable à permis de réduire le trafic automobile de 50% sur cet axe, mais pas le nombre d’usagers. Ainsi, de 50 000 voitures par jour, le boulevard n’en compte plus que 25 000 aujourd’hui. En parallèle, 31 000 personnes empruntent quotidiennement le bus sur cette voie et le trafic y est plus fluide.     Évidemment, la solut ion miracle n’existe pas et si la circulation sur ces axes est plus fluide, ils connaissent toujours des pics de congestion à certaines périodes de la journée. Cependant, la fermeture ou la requalification de certains  axes routiers avec un développement des transports en commun et des mobilités douces en parallèle semble la meilleure solution pour réduire ces embouteillages.      

L’intermodalité, la solution idéale pour réduire les embouteillages ?

De nombreuses solutions ont été testées par les villes et métropoles pour réduire la congestion du trafic. Il y a eu, par exemple, des expérimentations de péages urbains, à l’entrée des villes. C’est ce qui s’est passé notamment à Londres ou à Helsinki. À Londres, le trafic automobile a enregistré une baisse de 15% depuis la mise en place du péage. Mais c’est une solution assez stigmatisante qui facilite surtout ceux qui ont les moyens de payer. Beaucoup de villes ont également tenté de fluidifier le trafic en remplaçant les feux tricolores par des ronds-points.     D’autres misent également sur la réduction de la vitesse où encore sur la technologie, avec la mise au point d’algorithmes qui vont prédire le trafic en temps réel et pouvoir prévenir les automobilistes des risques de bouchons en amont. Un système qu’on retrouve d’ailleurs déjà sur certains GPS ou applications comme Waze, qui propose donc des parcours alternatifs à ses utilisateurs le cas échéant. Cependant, comme le note le think-tank La Fabrique de la Cité dans un rapport, “en déplaçant un problème vers un autre territoire, les applications de navigation ont conduit à créer de nouveaux embouteillages, empirant ainsi la congestion alors qu’elles promettaient d’y mettre fin”.     Le développement de services de covoiturage et d’autopartage fait aussi partie des solutions, avec notamment l’idée de créer des voies réservées au covoiturage sur les périphériques des villes afin de privilégier ce mode de transport et réduire ainsi le nombre de véhicules individuels. Enfin, on retrouve donc la connexion entre différents modes de transport doux et la mise en place d’infrastructures dédiées à l’intermodalité. C’est ce que prévoit par exemple la métropole de Bordeaux, qui souhaite créer 80 km de voies de bus supplémentaires d’ici 2030 et ouvrir 7 nouvelles lignes de bus complémentaires au tramway. En parallèle, la métropole veut aussi créer des lignes de bus qui sont dédiées à la desserte de certaines zones industrielles ou commerciales. Côté vélo, elle souhaite mettre en œuvre un Réseau Vélo Express de 250 km de pistes cyclables.   

Vers un aménagement urbain qui privilégie les mobilités douces ?  

  Évidemment, pour faciliter le déploiement des mobilités douces et de l’intermodalité en zones urbaines, il faut préparer le territoire. Pour la pratique cyclable, c’est la mise à disposition de places de stationnement sécurisées qui est notamment une priorité, étant donné que la crainte du vol et de la dégradation des vélos figure parmi les principaux freins au développement du vélo en France. Leur présence près des gares, des arrêts de tramway, de métro ou de bus apparaît ainsi comme essentielle pour faciliter les déplacements doux en ville.     Par ailleurs, contrairement à ce qui s’est fait sur ces dernières décennies, le développement de l’intermodalité implique aussi de faire revivre les centre-ville et de proposer ce qu’on appelle des programmes d’aménagement urbain mixtes qui mêlent des logements avec services de proximités, des commerces et des entreprises, le tout avec des offres de transport adaptées (maillage de transports en commun et d’infrastructures cyclables). Enfin, les offres de stationnement de véhicules motorisés sont aussi à améliorer et à revoir, avec la mise en place de parkings à la périphérie des villes pour permettre aux habitants périurbains d’emprunter d’autres modes de transports une fois arrivés aux portes des villes.     Pour tendre vers plus d’efficacité et pouvoir tester en amont différentes possibilités concernant des aménagements et leurs conséquences, les villes peuvent aussi s’appuyer de plus en plus sur la technologie. Les jumeaux numériques en sont un bon exemple. Plutôt que de mettre en place des expérimentations grandeur nature, ces maquettes numériques de la ville permettent aux municipalités de simuler et d’analyser le trafic en fonction de nombreux paramètres et de pouvoir ensuite effectuer des choix éclairés. C’est ce que fait déjà Singapour, par exemple, qui utilise depuis longtemps ce procédé pour tester de nouveaux schémas de circulation et mesurer leur efficacité. Une option séduisante qui permettra, demain, de rendre l’aménagement du territoire plus efficace. Angers, Rennes ou encore Issy-les-Moulineaux : de nombreuses villes françaises s’intéressent déjà à cette solution.     A lire également :
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