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Construire des écoles en modulaire bois

6 minutes de lecture
Interview de Marina Da Silva Carvalhais, Projets R&D et Innovations Construction Bois (WeWood)
écoles modulaires bois

Pourquoi repenser la conception et la construction des écoles, collèges et lycées ?

Aujourd’hui, en France, une large majorité de ces bâtiments sont construits sur site, et encore  principalement en structure béton. Mais le contexte environnemental que l’on connaît nous pousse à changer, et notamment à développer la construction bois et la construction hors-site. Bouygues Bâtiment France a d’ailleurs pour ambition d’atteindre une part de 30% de ses projets bois à l’horizon 2030, et McKinsey prévoit, à l’aune de cette même échéance, une part de 20% de la construction mondiale déplacée vers à la construction hors site. D’autre part, la construction dite traditionnelle de ces équipements génère souvent des nuisances pour les habitants et les collectivités : bruit, poussières, odeurs, trafic routier accru… Les Maitrises d’Ouvrages et les entreprises cherchent bien entendu à limiter ces nuisances. La construction hors-site le permet, tout en réduisant la durée du chantier, et en améliorant les conditions de travail des compagnons : à l’abri des intempéries dans un atelier, travaillant le bois plutôt que le béton… Mais pour construire des équipements scolaires en partie hors-site et en structure bois, il est indispensable de planifier ce mode constructif dès le début de la conception. Cela est possible dès lors que l’on travaille sur des projets en conception-réalisation, et que tous les acteurs du projet partagent la même ambition, et notamment la maîtrise d’ouvrage. Les collectivités attendent également des projets d’équipements scolaires toujours moins carbonés et plus évolutifs, capables de s’adapter aux évolutions démographiques de leurs territoires.  

En quoi consiste la solution développée par BBF ?

Avec les équipes de Bouygues Bâtiment Île-de-France Industrie et Equipements Publics, de WeWood, et l’industriel TH, nous avons conçu une solution de modules de salles de classe en bois préfabriquées et prééquipées en usine. La particularité de cette solution c’est que ce n’est pas que la structure, l’enveloppe de la salle de classe qui est préfabriquée : nous l’avons pensé comme un espace, un produit quasi fini en usine embarquant le plus de corps d’état secondaires possible, à « pluguer » à l’équipement général. Et pour pourquoi s’être focalisé sur les salles de classes ? Car avec des besoins universels et des programmes récurrents d’un projet à l’autre, les salles de classes, qui représentent environ 50% de la surface d’un bâtiment d’enseignement secondaire, se prêtent idéalement à la conception d’un produit de construction modulaire, ainsi qu’à l’industrialisation. Nous avons donc pour cela épluché les programmes de nombreux lycées et collèges pour en faire ressortir un cahier des charges de la salle de classe type. En termes d’équipements techniques, de finitions intérieures, d’acoustique, de sécurité incendie ou de hauteur sous plafond, en retenant la contrainte la plus défavorable quand le cas se présentait. Cela nous a conduit à travailler sur cinq axes :
  • Gestion des surfaces et des principes architecturaux des façades ;
  • Dimensionnement des éléments structurels ;
  • Intégration des réseaux et terminaux techniques, faisabilité et interfaces avec les corps d’état techniques du reste du bâtiment réalisé sur site ;
  • Intégration des corps d’état architecturaux, faisabilité et limites de prestations ;
  • Modalités de mises en œuvre (approvisionnement, contrôle qualité, étanchéité provisoire, levage, …)
L’enjeu étant de proposer une conception de base répondant aux exigences programmatiques identifiées, régit par un guide de conception préalablement transmis aux maitres d’œuvre, précisant les exigences techniques induites par le mode constructif, mais néanmoins capable de s’adapter aux caractéristiques propres de chaque projet en terme d’ouvertures en façade, d’orientation, d’exigence d’ALJ et de thermique, de surface, … Personne ne voulant de bâtiments tous identiques, ni d’écoles ressemblant à des installations provisoires !  

Quels sont les atouts de cette solution en matière de réduction de l’impact carbone ?

Ces salles de classe bénéficient du savoir-faire de WeWood, le pôle d’expertise bois de Bouygues Bâtiment France. Chaque module utilise 140 kg de matériaux biosourcés par m², soit 4 fois la valeur du niveau le plus performant du label “Bâtiment Biosourcé”. Avec ce matériau, l’impact carbone de la construction est réduit de 170 kg éq.CO2/m² par rapport à une réalisation en béton, soit près de 25% en Analyse de Cycle de Vie. Le bois européen utilisé, labellisé PEFC ou FSC, est issu d’une filière gérée durablement pour allier réduction de l’empreinte carbone du bâtiment, confort d’usage et bien-être grâce au matériau apparent. Une fois livrée, la construction modulaire est compatible avec le seuil 2031 de la RE 2020. Ce seuil, le plus ambitieux de la réglementation, limite l’impact carbone des consommations énergétiques des établissements scolaires à 140 kg CO2/m² pendant leur exploitation.  

Où en est-on de la mise au point et du déploiement ?

Aux termes de 18 mois de R&D avec TH nous avons construit un prototype qui est actuellement installé sur notre base BYCN Matériel à Chilly-Mazarin. Il s’agit d’un démonstrateur sur 2 niveaux d’une salle de classe de 55 m² et une salle de travail de 39 m². Cela nous permet de vérifier certaines performances, notamment d’acoustique et d’étanchéité à l’air, mais aussi et surtout de montrer concrètement ce que peut rendre cette solution et prouver qu’industrialisation peut rimer avec grande qualité.  

Comment imaginez-vous la construction d’équipements publics en 2030 ?

La France devra respecter ses objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et les labels seront de plus en plus exigeants : la construction devra donc évoluer pour que nos bâtiments soient de plus en plus exemplaires sur le plan environnemental. Je l’imagine avec plus de bois, bien sûr, avec l’utilisation du béton limitée aux endroits strictement nécessaires comme les fondations, les infrastructures, et les zones où le parti architectural et les exigences techniques et programmatiques le justifient. Je l’imagine également moins timide sur l’utilisation d’autres matériaux bio et géosourcés tels que le chanvre, ou la terre crue. Et je l‘imagine bien sûr, comme envisagé par le rapport McKinsey en 2030, partiellement réalisée hors-site. Car je ne crois pas à des bâtiments entièrement préfabriqués en usine en tout cas pas pour le moment : le hors-site sera utilisé là où il est le plus pertinent, et notamment sur les salles de classes ! Les chantiers seront plus rapides, et produiront moins de nuisances pour les riverains, pour l’environnement, et pour les compagnons. Un équipement public, comme une école, un collège, un lycée, est dédié et participe à la vie de la Cité ; et il me semble capital qu’il soit en harmonie avec celle-ci dès sa phase de construction.