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Béton bas carbone : où en est-on ?

3 minutes de lecture
Le premier volet du 6ème rapport d’évaluation du Giec, publié en août 2021, l’a rappelé de façon criante : il est impératif de tenir les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris en limitant le réchauffement climatique à un niveau inférieur à 2°C, et de préférence à 1.5°C ; et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Le secteur du bâtiment, l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre, est particulièrement concerné. Il est en effet responsable de 19% des émissions en France (sans compter les émissions associées telles que la production d’électricité et de chaleur).
béton bas carbone
Au cœur de la transition bas carbone du secteur, la diversification et la décarbonation des matériaux constitue un levier important : structuration de filières de matériaux biosourcés et géosourcés, développement de solutions issues de la « filière sèche » (réemploi, préfabrication), émergence de nouvelles gammes de béton bas carbone. L’enjeu étant de pouvoir utiliser le bon matériau, au bon endroit, selon le contexte spécifique à un territoire et à un projet. Focus sur le béton bas carbone : quels procédés et techniques se cachent-ils derrière ce vocable et quelles sont ses promesses ?
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Le béton traditionnel est responsable de 7% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. En cause, l’importance des volumes produits : 6 milliards de mètres cubes de béton sont coulés tous les ans (dont 50 millions en France), ce qui en fait le matériau le plus consommé par l’Homme après l’eau, mais avant la nourriture ! Mais au-delà des quantités, ce bilan carbone s’explique également par la composition du béton et les procédés de fabrication :
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  • Le béton de ciment est un mélange de granulats, dont du sable, de l’eau et un liant : le ciment. Si le ciment ne représente qu’environ 13% de la composition globale, il est responsable de l’essentiel de l’impact carbone du béton.
  • Le ciment est constitué de clinker, un mélange de calcaire et d’argile calciné à très haute température dans des fourneaux, puis broyé. C’est le clinker qui confère au ciment sa capacité à durcir en se mélangeant à l’eau puis à agréger les granulats, deux étapes essentielles à la fabrication du béton.
  • Mais la production du clinker est également la partie la plus polluante du procédé. 40% des émissions de gaz à effet de serre du clinker sont imputables au process industriel et à la cuisson tandis que les 60% restants sont liés à la chimie : brûler du calcaire relâche du CO2.
 

Réduire les volumes de béton consommés et l’empreinte carbone du ciment

Deux leviers sont donc actionnables pour réduire l’empreinte carbone du béton.
Le premier concerne la réduction des volumes : le béton le plus sobre est celui qui n’est pas produit. Il s’agit d’éviter l’utilisation systématique de ce matériau et de développer des alternatives, là où le béton n’est pas indispensable pour des questions structurelles ou réglementaires. La construction bois, dont le marché se structure, connaît ainsi une belle progression. Selon l’enquête nationale de la construction bois 2021, le bois gagne du terrain dans tous les segments de la construction (logement individuel, logement collectif, bâtiments tertiaires, agricoles, industriels et artisanaux).
Le second levier concerne la réduction de l’empreinte carbone du béton, et donc du ciment ; et plus particulièrement, du clinker. La recherche porte notamment sur la modification de la chimie du béton, afin d’éviter d’utiliser du clinker. Certains ciments à base de composés argileux et activés « à froid » permettent des réductions d’émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 75% par rapport à un ciment traditionnel. Les composants sont obtenus à des températures de cuisson plus faibles que le clinker et rejettent de l’eau et non du CO2 lors de la cuisson.  

Expérimentations avec des ciments argileux

Le Pôle d’expertise en Matériaux cimentaires de Bouygues Construction (Pôle Ingénierie Matériaux) mène des expérimentations avec plusieurs technologies de Hoffmann Green Cement, spécialiste du ciment décarboné. En juillet 2019, les deux sociétés ont signé un contrat de collaboration pour élaborer et tester des formules de béton utilisant un ciment fabriqué à partir d’argiles calcinées. La technologie associée vise une réduction de l’empreinte carbone de 70 à 80%. L’emploi d’argiles calcinées présente également l’avantage d’avoir un gisement au potentiel important et équilibré à l’échelle mondiale.
Les axes de recherches consistent désormais à essayer d’augmenter les quantités d’argiles calcinées utilisées dans le béton en effectuant des dosages plus importants. Un projet est en cours avec Aéroports de Paris pour la construction d’une passerelle utilisant un dosage accru en métakaolin, une argile calcinée, par rapport à la norme béton.  

Des bétons végétaux pour le remplissage et l’isolation thermique

Enfin, d’autres solutions existent, à l’image des bétons végétaux qui utilisent des matériaux biosourcés. Le granulat du béton de chanvre, par exemple, est la chènevotte, obtenue par transformation de la tige du chanvre. Elle présente l’avantage de limiter les besoins en sable, ressource rare au coût environnemental élevé. La cuisson du béton de chanvre s’effectue également à des températures moins élevées (800 à 1 000°C au lieu de 1 500 pour le béton de ciment traditionnel). En revanche, cette technologie ne peut pas servir d’élément structural car le béton de chanvre n’est pas porteur. Il est utilisé en remplissage d’ossature.
Pour réduire ses émissions, le secteur de la construction doit donc passer de l’utilisation massive et récurrente d’un unique matériau, le béton de ciment, à une approche s’appuyant sur un « mix matériautique » tenant compte de l’empreinte carbone, des contraintes liées à un projet, des capacités offertes par les solutions alternatives et des ressources locales. Au travail !