De l’importance de tisser des liens, pour des territoires conviviaux, solidaires et inclusifs
Pourtant, l’idée d’un délitement du lien social progresse dans les esprits et s’immisce dans le débat public où l’on évoque régulièrement un recul de la cohésion sociale ou encore la nécessité de re-tisser du lien.
Les territoires, témoins de la fragilisation du lien social
Les signes sont visibles dans les territoires : essor des gated communities et de quartiers socialement homogènes dans les grandes villes d’Afrique, d’Amérique latine ou aux Etats-Unis, diminution de 40% du nombre de cafés à Paris en 20 ans (1), disparition des vendeurs de rue à Bangkok ou encore, multiplication des dark stores en Chine et aux Etats-Unis, ces magasins sans clients entièrement conçus pour la vente en ligne.
En cause, un monde où progresse l’individualisation et où s’affaiblissent le rôle structurant des grandes institutions (travail, école, famille, etc.) et la capacité à faire collectif ; un monde où l’idéal démocratique est menacé par la montée des populismes qui progressent – l’année 2024 sera à ce titre charnière avec près de la moitié de la population appelée aux urnes ; un monde où l’altérité suscite davantage qu’avant la méfiance et où les offres de repli social (identitaire, communautaire) attirent et rassurent, précisément parce qu’elles enferment.
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Une demande toujours forte de lien social et de voisinage
Les effets délétères commencent à se faire sentir à l’échelle des individus. En France, en 2023, une personne sur trois n’a aucun ou un seul réseau de sociabilité et 21% des individus se sentent régulièrement seuls (2). Selon l’OMS, 1 personne sur 10 souffre d’isolement social dans le monde. En mai 2023, l’administrateur de la santé publique des Etats-Unis qualifiait la solitude de nouvelle épidémie de santé publique en raison de ses impacts sur la santé physique et mentale. Les institutions réagissent, à l’image du Royaume-Uni, qui instaurait en 2018 le premier Ministère de la solitude, suivi par le Japon en 2021. Fin 2023, l’OMS annonçait la création d’une nouvelle Commission sur le lien social afin d’aborder la question de la solitude en tant que menace urgente pour la santé, de promouvoir en priorité les liens sociaux et d’accélérer la mise à l’échelle des solutions dans les pays, indépendamment de leur niveau de revenu.
Cependant, le besoin et l’envie de liens restent intacts. En France, 71% de la population accorde de l’importance aux liens avec les habitants de son territoire, et la possibilité de s’y faire des amis ou des connaissances est identifiée comme le premier facteur d’attachement au territoire (3).
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Alors, comment recréer du lien social au cœur de la ville ?
Les espaces urbains, en particulier, par leur diversité et leur densité, favorisent les nouveaux contacts, les métissages et les interactions sociales. La ville est relationnelle par essence.
Mais la cohésion d’une communauté urbaine est une recette subtile qui repose sur une multitude de liens sociaux qui permettent aux citadins de coexister et de nourrir leur sentiment d’appartenance aux lieux : des liens « forts » – amicaux, des liens « faibles » – discuter, échanger des services, partager des activités, mais aussi un réseau dense de liens « invisibles » – reconnaître un passant dans la rue, connaître la catégorie d’âge de ses voisins (4).
Charge aux acteurs de la fabrique urbaine et territoriale d’imaginer des bâtiments, des quartiers et des espaces publics qui permettent à ces liens de s’exprimer. Les initiatives foisonnent aux quatre coins du monde : démarches artistiques participatives, espaces publics apaisés, tiers-lieux, immeubles multi-usages favorisant les interactions sociales, habitants ambassadeurs de quartiers, foncières solidaires, etc.
--Des commerçants solidaires viennent en aide aux sans-abris à Montpellier avec l’association La cloche.
--A São Paulo, le projet Criança Fala transforme les espaces publics du quartier Glicerio avec des yeux d’enfant.
--Dans une douzaine de pays, le mouvement des « Free conversations » propose un espace de conversation spontané où des inconnus viennent se parler.
--Dans certains concepts de coliving, forme d’habitat serviciel, des house managers ou community managers facilitent les interactions entre résidents et s’assurent de l’harmonie au sein de l’immeuble.
--A Turin, la Cascina Roccafranca, maison du quartier Mirafiori Nord, est co-portée par la municipalité, les associations et les citoyens pour régénérer le quartier.
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La participation citoyenne, maillon du lien social
Pour tisser les liens dans les projets urbains, les outils se renouvellent et les modes de gouvernance évoluent : la montée en puissance des démarches participatives et de l’approche usager dans les projets urbains et immobiliers est une des tendances fortes de cette dernière décennie. A travers l’assistance à maîtrise d’usage, les habitants sont de plus en plus associés aux acteurs classiques des projets (maîtrise d’ouvrage publique ou privée, maîtrise d’œuvre, etc.), en tant qu’experts de leur territoire. C’est un moyen de s’impliquer dans son lieu de vie, aux côtés d’autres citoyens, et de créer du lien entre les citoyens et la collectivité, à condition de prendre des formes qui laissent un véritable pouvoir d’agir et permettent à une diversité de personnes de s’exprimer.
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Si le lien social est une dynamo à effets positifs, l’avenir reste à écrire : comment faire pour que les défis environnementaux soient un moteur de solidarité ? De nouveaux métiers émergeront ils à l’échelle des quartiers ? Les métiers de la promotion immobilière et de la construction connaîtront ils une révolution relationnelle ?
Pour décrypter les évolutions et découvrir d’autres initiatives inspirantes, nous vous invitons à consulter le Cahier de tendance de Bouygues Construction Tisser des liens, pour des territoires conviviaux, solidaires et inclusifs.
1. Centre Régional d’Observation du Commerce (CROCIS)
2. Fondation de France, Etude Solitudes 2023
3. L’ObSoCo, Ancrages et arbitrages des Français sur leurs lieux de vie, mars 2023
4. Felder, M. (2018). Building familiarity: coexistence in an urban context. (Thèse de Doctorat).