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L’interview du mois : Martin Sénéchal, écologue urbain et paysagiste chez Elan

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Martin Sénéchal, écologue urbain et paysagiste chez Elan, nous en dit plus sur son métier.
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Pouvez-vous nous en dire plus sur votre métier, et pourquoi les toitures végétalisées sont devenues des solutions incontournables pour la réinsertion de la nature en ville et quels en sont les bénéfices ?

Chez Elan, nous accompagnons les projets immobiliers dans le but de mieux prendre en compte la biodiversité et la qualité biophilique des aménagements. Il peut s’agir de projets urbains de logements, tertiaires, d’équipements publics, etc., et cela peut prendre la forme d’un accompagnement des entreprises pour différentes labellisations, dont Biodivercity, ou pour la mise en œuvre d’une stratégie biodiversité. Elan est spécialiste de tous les ouvrages végétalisés que nous pouvons associer aux bâtiments urbains, comme les murs et les toitures végétalisés favorables à la biodiversité qui constituent une des nouvelles demandes fortes des maîtres d’ouvrage et institutions publiques. Depuis longtemps, les toitures végétalisées ont été utilisées de façon traditionnelle dans le Nord de l’Europe, notamment aux Îles Féroé, comme une solution améliorant le confort thermique grâce à la terre, un isolant efficace. Très vite, d’autres avantages ont été mis en exergue et sont à présent connus de tous : • La protection de la nature et le renforcement de la biodiversité. Les toitures végétalisées sont des milieux très secs et dont la terre est pauvre, il s’y développe par conséquent une biodiversité souvent sauvage et menacée. Depuis une quinzaine d’années, les chercheurs s’intéressent particulièrement aux « toitures friches » où la végétation se développe de façon spontanée ce qui implique un développement plus fort de la biodiversité. • La lutte contre les effets « îlots de chaleur » produits par le rayonnement des bâtiments et des surfaces goudronnées. On parle même d’îlots de fraîcheur grâce à l’évaporation produite par les plantes et le substrat. Notons que couplée aux panneaux solaires, la présence de végétations permet d’améliorer leur rendement. • La protection des matériaux d’étanchéité des toits. • L’amélioration de la qualité de l’air. • La plus-value esthétique et paysagère pour un meilleur cadre de vie des habitants. Enfin, et c’est un avantage non négligeable, la toiture végétalisée est capable de retenir l’eau et de diminuer le débit d’évacuation, ce qui évite la surcharge des réseaux en cas de fortes pluies. Pour les villes, cette solution représente un potentiel énorme de gestion alternative des eaux de pluie : en moyenne 40% des surfaces des villes sont des toitures qui peuvent potentiellement accueillir des espaces verts. D’ailleurs, l’origine du développement des toitures végétalisées en ville est liée à une réflexion menée par la ville de Portland sur le calibrage de ses réseaux d’évacuation d’eau. Pour limiter des investissements importants, il a été décidé de mener une politique drastique sur les toitures végétalisées, une stratégie qui s’est avérée être concluante. Encore aujourd’hui, la loi Alur et la loi sur la biodiversité renforcent l’intégration de la gestion des eaux dans le PLU en imposant une maîtrise de l’écoulement des eaux pluviales, se traduisant pour beaucoup de projets urbains par la mise en œuvre de toitures végétalisées. interview Martin Sénéchal

En partenariat avec l’Open Innovation, Linkcity et Bouygues Bâtiment IDF Habitat Social, vous lancez une expérimentation sur Challenger avec l’entreprise Natural Grass. De quoi s’agit-il et quel est l’objectif ?

La principale problématique des toitures végétalisées est la surcharge conséquente qu’elles induisent sur le toit. Cela implique la conception d’une structure pouvant supporter un plus grand poids, ce qui engendre un surcoût non négligeable. Pour limiter cette surcharge, l’une des principales solutions qui est aujourd’hui appliquée est de diminuer l’épaisseur du substrat au détriment de la biodiversité. Le substrat est la couche où s’enracinent et se nourrissent les végétaux. Sa composition est de 20% de matière organique (compost, tourbe…) et de 80% de matières minérales (comme la roche volcanique). La conception des substrats possède une pression importante sur les milieux naturels. L’utilisation conséquente de la tourbe entraîne une destruction de milieux naturels et de puits de carbone exceptionnels. Il existe cependant des nouveaux substrats circulaires composés de matériaux recyclés à faible impact sur le milieu naturel mais dont les qualités sont encore méconnues. Plusieurs typologies de toitures existent. Les toitures intensives composées de plus de 50 centimètres de substrat permettent la création de jardins riches et diversifiés. Les toitures semi-intensives, entre 15 et 50 centimètres de substrat, permettent le développement d’une biodiversité conséquente et une rétention en eau moyenne. Les toitures extensives de faible épaisseur de substrat, moins de 15 centimètre, permettent une rétention limitée des eaux, environ 50% des eaux de pluie sont retenues dans le meilleur des cas, et la biodiversité qui s’y développe reste très limitée. Créer une bonne toiture consiste à trouver un compromis entre l’épaisseur du substrat, le volume d’eau retenue, et la biodiversité que l’on souhaite accueillir. Natural Grass propose un nouveau type de substrat qui permettrait de stocker dans 30 centimètres le même volume d’eau qu’un substrat classique de 50 centimètres, ceci grâce à sa composition circulaire marquée par la présence de bois et de liège. L’expérimentation a donc pour objectif de vérifier ces hypothèses. Deux toitures avec du substrat classique et une toiture avec du substrat Natural Grass ont donc été mises en place à Challenger, ainsi qu’un témoin, dans le but de mesurer le volume retenu d’eau par chacune d’elles. L’objectif est également de qualifier l’intérêt de ce nouveau substrat pour la biodiversité. Ces toitures recevront toutes les mêmes conditions météorologiques et nous pourrons mesurer le volume rejeté d’eau et observer l’évolution des végétaux sur l’ensemble des quatre saisons. D’autres tests pourraient être envisagés concernant la pérennité de ce nouveau substrat comme la mesure du tassement dans le temps, ou l’évolution de la végétation au bout de trois ans.  

Comment s’est organisée cette expérimentation et quelles sont les attentes au sein du Groupe ?

Suite au Matching Up organisé sur le logement, une mise en relation a été possible entre Linkcity, HAS et Natural Grass. Elan intervient en tant qu’expert. Linkcity s’intéresse beaucoup à cette solution notamment à cause des nouvelles contraintes du PLU et du développement du label Biodivercity. HAS s’y intéresse pour optimiser et mieux maîtriser les coûts de construction tout en étant favorable à la biodiversité qui est une thématique métier forte chez Bouygues Construction, et qui correspond à des attentes très grandes des collectivités, de la société, et des architectes. Enfin ce nouveau substrat s’intègre plus dans une logique d’économie circulaire et de diminution de notre impact sur le milieu naturel. Reste à savoir si ce projet est durable dans le temps et s’il est aussi intéressant pour la biodiversité. Au sein du Groupe, d’autres réflexions sont en cours sur les murs et les façades végétalisés, comme le béton BY OTOPE, un des projets finaliste du concours Innovation.