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[Panorama Villes Durables] #5 Comment Zurich est devenue une référence dans le domaine de la mobilité durable

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On vante régulièrement la qualité de vie en Suisse. Plusieurs raisons économiques et financières expliquent ce bien-être revendiqué. Mais comment cela se traduit-il au quotidien ? Nous allons nous intéresser de plus près à un aspect crucial qui atteste qu’une ville “vit” bien, celui des mobilités. Les mobilités recoupent plusieurs problématiques et sont un enjeu majeur du bien être des habitants d’un territoire, particulièrement en milieu urbain. Organisation des flux de personnes, réductions de la pollution de l’air et de la pollution sonore, développement des mobilités douces ou place de la voiture individuelle, la mobilité est un sujet incontournable pour la transition écologique et le confort des usagers. La ville de Zurich l’a compris depuis longtemps et en a fait une priorité. Elle arrive d‘ailleurs régulièrement dans le peloton de tête des classements européens ou mondiaux sur le sujet.

Un fort développement économique 

Zurich se classe par exemple 5ème de l’Urban Mobility Readiness Index 2022 (et 2ème dans la catégorie Transports Publics), 1ere du classement de la mobilité en Europe du site de voyage Omio en 2019, ou encore 2eme du Sustainable Cities Mobility Index de la société d’analyse et de conseil sur les enjeux urbains Arcadis en 2017.    Zurich est la plus grande ville de Suisse et la capitale du Canton du même nom, avec une population de 430 000 habitants (pour un peu plus d’un million avec la métropole). C’est aussi la capitale économique et financière du pays. Elle s’est intensément développée ces dernières années et est devenue une place financière de renommée internationale.   La ville bénéficie d’une forte attractivité et voit sa population croître rapidement. Environ 500 000 personnes travaillent à Zurich et se déplacent donc quotidiennement dans la ville, dont la moitié font la navette chaque jour entre la périphérie urbaine et le centre. Ce qui engendre des problématiques de densification dans les transports et sur le réseau routier. L’enjeu de mobilité est donc important pour ce territoire.  Zurich est une ville compacte et les distances sont donc relativement courtes. Depuis longtemps déjà, les Zurichois ont pris l’habitude d’utiliser les nombreuses options de mobilités douces disponibles : à pied, à vélo ou en transports publics, utilisant les réseaux et infrastructures développés par la ville depuis plusieurs dizaines d’années.  

Des transports en communs ultra performants et organisés en réseau 

Zurich doit ses bons classements en matière de mobilité avant tout à son réseau de transports en communs très performant, considéré comme l’un des meilleurs au monde. Il est très vaste et fiable, et est de fait plébiscité par les habitants. Jugez plutôt :  14 lignes de tramway qui desservent 172 km de voies, 14 lignes de bus, et 6 lignes de trolleybus d’une longueur totale de 54 km. Ce qui, rapporté à l’espace concentré de Zurich, permet de bénéficier d’un réseau très dense. L’espace urbanisé de l’agglomération zurichoise est ainsi quadrillé de manière optimale. 
Le réseau ZVV des transports en commun de Zurich 
La clé du succès de Zurich est donc un système étendu à toute la ville et sa périphérie, mais aussi qui fonctionne en réseau, le ZVV, Zürcher Verkehrsverbund, le plus grand réseau de transports en communs de Suisse. Ce réseau intègre les nombreuses options de modes de déplacements (bus, tram, navettes, téléphérique, bateaux sur le Lac de Zurich et sur la Limmat…) permises par la géographie et l’aspect compact de la ville.  Bref une multimodalité intégrée, bien pensée, qui permet de se déplacer sans aspérité partout dans l’agglomération. Tous ces transports faisant donc partie du même réseau, un seul ticket unique est valable sur l’ensemble du réseau, quelque soit le mode de déplacement emprunté. Ce qui en fait par ailleurs un réseau accessible financièrement. Cela permet de cibler une grande majorité des habitants.  L’essor des transports en commun zurichois doit beaucoup au métro. Ou plutôt au rejet du métro. En effet, la qualité des transports publics locaux est une des conséquences directes du rejet par la population du grand projet de métro dans les années 70. Après l’échec de la consultation de 1973, la ville a décidé d’orienter les budgets vers les lignes de tramway et de bus afin de développer et de moderniser le réseau et l’offre de transport, misant ainsi sur la continuité.   La ville s’appuie également sur des programmes municipaux. Par exemple, le programme de trafic urbain « Stadtverkehr 2025 », appliqué depuis 2012, vise à développer le réseau de transports en commun afin de décongestionner la ville des voitures. Les axes de ce programme sont d’accentuer la disponibilité et l’attractivité des transports publics mais aussi d’améliorer la circulation des piétons et des cyclistes.  Avec pour objectif que le trafic des transports publics, des piétons et des vélos dans le volume global du trafic dans la ville de Zurich, augmentent chacun de 10% en 10 ans. Tout en réduisant celui du trafic automobile de 10%.  Enfin, le transport ferroviaire est particulièrement développé à Zurich. En effet, la ville exploite le S Bahn Zurich, le plus grand réseau express régional suisse, et la gare centrale zurichoise est la plus grande du pays avec pas moins de 2 000 trains et 500 000 voyageurs par jour.   

Développer des infrastructures pour les mobilités douces 

Dans le but d’atteindre un bon équilibre entre tous les modes de transports, la ville de Zurich a également mis l’accent sur le développement des déplacements doux que sont la marche à pied et surtout le vélo.    Toujours dans le cadre du Programme Stadtverkehr 2025, il a été constaté en 2019 que la fréquence des passages de cyclistes aux points de comptage automatique avait augmenté de 57% par rapport à 2012. Au-delà d’une promotion au long cours, la ville a développé plusieurs infrastructures conséquentes pour accompagner ce développement et la hausse du nombre de cyclistes. Et leur permettre de pouvoir traverser Zurich à vélo, facilement et en toute sécurité.  Ainsi en septembre 2022, la population a voté très nettement en faveur de la création dans les dix prochaines années, d’axes rapides réservés aux cyclistes dans le but de relier les quartiers de la périphérie au centre ville. Ces 50 km de “routes pour vélo” sont des voies rapides dédiées aux vélos et interdites aux véhicules motorisés, à l’exception des riverains ou des véhicules d’urgence.  Avec la même logique de démocratie participative propre à la Suisse, les Zurichois ont voté en 2021 pour la création d’un tunnel à vélo qui passerait sous la gare, à partir d’un tronçon routier existant. Les travaux sont actuellement en cours pour réhabiliter cette bretelle d’autoroute abandonnée de 200 mètres, qui permettra en 2024 aux cyclistes de gagner un temps important pour “traverser” le bâtiment, et ce en toute sécurité. 27 millions de francs suisses ont été investis (environ 28 millions d’euros) par la Municipalité.  Enfin, en mai dernier la ville a annoncé la construction d’un pont dédié aux mobilités douces de 530 mètres de long au-dessus des voies ferrées de la gare. Les travaux du projet baptisé «Landschaftsbrücke» (“Pont Paysager”, car une bande verte végétale séparera la voie piétonne de la voie cyclable) débuteront en 2028, pour un coût avoisinant les 75 millions de francs suisses (78 millions d’euros). 
Le projet «Landschaftsbrücke » – Crédit image: PD

La place de la voiture 

La municipalité sait pertinemment que c’est sur ce point précis des infrastructures et de la sécurité qu’elle doit accélérer pour aider au développement des mobilités douces. Ces derniers projets montrent une vraie volonté de rattraper le retard par rapport à Oslo ou Amsterdam, les villes dominantes en la matière.  Cette évolution de l’organisation des voies et des routes va de paire avec le fait de rendre la vie des usagers de la voiture de plus en plus compliquée. Avec par exemple, la restriction progressive des places de stationnement, la multiplication des zones interdites à la circulation automobile, et en augmentant les coûts induits par la possession d’un véhicule individuel. L’illustration parfaite est la fermeture partielle aux véhicules motorisés de la Langstrasse, une rue emblématique du centre ville Zurichois.  Dans le prolongement des infrastructures, la ville de Zurich met donc en place une politique contre la voiture dans son centre ville. Tant pour faciliter les mobilités douces que pour lutter contre la pollution de l’air et la pollution sonore. L’EEB (Bureau européen de l’environnement) la place d’ailleurs au premier rang des capitales européennes pour la lutte antipollution.   

Les nouveaux services de mobilité 

Petit à petit depuis 2012, la ville applique par quartier (les zones 30) la limitation maximale du trafic routier à 30 km/h. Elle veut aller plus loin et souhaite généraliser cette limitation à l’ensemble de son réseau routier d’ici à 2030. Ces faibles vitesses créent moins de bouchons et améliorent la sécurité des usagers de la rue.   Par ailleurs, il a été démontré que les nuisances sonores ont diminué de 2.4 dB(A) en journée et jusqu’à 4.5 dB(A) la nuit, lorsque la vitesse a baissé sur les axes concernés. Une enquête menée auprès des usagers montre une très bonne acceptation de ce type de mesures. Autre résultat intéressant, la proportion de ménages sans voiture est passée de 40% en 2000 à 50% en 2019. De quoi alimenter la nouvelle stratégie globale de la Municipalité « Stadträume und Mobilität » (“Espaces urbains et mobilité”).  La municipalité Zurichoise est également en pointe lorsqu’il s’agit de développer de nouveaux usages grâce au numérique et l’avènement du Maas. Comme par exemple l’auto partage, pratique très répandue à Zurich, et les autres mobilités partagées en libre service (vélos ou trottinettes). Ou encore le ride pooling, des trajets réalisés avec d’autres personnes allant dans la même direction, ou le service à la demande de transport public qui a récemment été testé pendant 18 mois et qui attend son déploiement.