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L’interview du mois : Ramy Saad, ingénieur en efficacité énergétique et conception durable chez Bouygues Bâtiment International

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Ramy Saad, ingénieur en efficacité énergétique et conception durable chez Bouygues Bâtiment International, nous présente le projet de recherche européen « EnergyMatching » du programme « HORIZON 2020 » pour la massification de la rénovation énergétique des bâtiments.
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L’enjeu du bâtiment et de la rénovation énergétique est déterminant pour l’Union européenne, qui compte aujourd’hui près de 10 % de sa population vivant en situation de précarité énergétique et 97 % de ses bâtiments jugés « non pérennes » pour répondre aux objectifs fixés de réduction de 80% des consommations énergétiques d’ici 2050. Plus globalement, le bâtiment représente 40 % de la consommation énergétique européenne (46 % de celle de la France) et émet 36 % du CO2 européen (27 % pour la France).

Dans le cadre du programme européen pour la recherche et l’innovation HORIZON 2020, Bouygues Construction participe au projet « EnergyMatching », pouvez-vous nous décrire de quoi s’agit-il ?

EnergyMatching vise à maximiser la production d’énergie à partir de sources renouvelables dans l’environnement bâti. L’objectif est de développer des technologies robustes, actives et adaptatives intégrées à la peau du bâtiment et de démontrer leur efficacité pour capter les sources d’énergie renouvelables disponibles sur le site. L’objectif est également de montrer comment utiliser efficacement l’énergie produite localement dans le bâtiment et le quartier. Le concept EnergyMatching repose sur trois piliers : • Le cadre méthodologique général et le business modèle, • Les technologies de peau active robuste pour capter efficacement les SER (Source d’Energie Renouvelable) locales, • Le centre énergétique du bâtiment et du quartier pour utiliser efficacement l’énergie produite grâce à des stratégies de répartition de charge. EnergyMatching se concentre sur la rénovation des bâtiments résidentiels de l’Union européenne. On estime à 250 millions le nombre de logements à rénover dans cette zone, pour rappel celle-ci totalise quelques 740 millions d’habitants. Le secteur résidentiel représente la plus grande partie de la surface de plancher construite dans l’UE. Le projet a été divisé en 7 résultats techniques à atteindre pour les 17 partenaires du projet (Universités, centres de recherche, fournisseurs, constructeurs, etc.) : • Une plateforme digitale à destination des clients, fournisseurs et constructeurs qui proposera les solutions les plus adéquates en fonction des données d’entrée : les contraintes et réglementations inhérentes au pays, les conditions météorologiques, les objectifs du client, etc. Par exemple un outil pour optimiser la localisation des panneaux photovoltaïques est intégré à la plateforme. • La mise en place d’une technologie « click and go » pour les façades qui permet de réduire le temps d’installation des panneaux préfabriqués. • La mise en place de fenêtres multifonctions préfabriquées en usine avec un triple vitrage, un store intégré et motorisé, des capteurs de luminosité et d’humidité pour gérer automatiquement le mouvement du store, et un système de ventilation double flux intégrée dans le châssis. • La mise en place de BIPV (Building integrated photovoltaics) : des modules photovoltaïques qui remplacent des matériaux de construction comme le verre par exemple. • L’utilisation d’un module énergétique pour chauffer et ventiler : une pompe à chaleur qui produit chauffage et eau chaude sanitaire. • L’utilisation d’un mur microperforé (Solarwall) qui préchauffe l’air intérieur grâce au soleil. • Enfin l’ensemble des solutions doit être interconnecté et intégré à un réseau local d’énergie pour optimiser la gestion : faire du monitoring et de la prédiction pour rendre le système autonome à terme. interview-ramy-saad

Les technologies mentionnées précédemment existent toutes déjà, quel est l’intérêt de faire ce projet en partenariat avec d’autres acteurs européens et surtout à cette échelle ?

Les principaux impacts attendus d’EnergyMatching sont : • La réduction des coûts de fabrication, d’installation et d’exploitation des technologies de récupération d’énergie à l’échelle du bâtiment et du quartier. • La démonstration de la reproductibilité qui se traduira par l’accélération de l’intégration des SER dans les bâtiments et quartiers résidentiels diversifiés de l’UE. • La mise en place de solutions rentables soutenues par des modèles économiques et commerciaux avancés pour les investisseurs. • La Pénétration sur le marché de solutions de récupération d’énergie efficaces, modulaires, robustes et faciles à intégrer. Nous avons en effet besoin de réaliser ce projet à l’échelle européenne pour atteindre les objectifs de massification et de rentabilité des technologies. Grâce au programme de recherche, nous pouvons également tester les technologies sur trois cas d’usage concrets qui ont un grand potentiel de réplication en termes de conditions climatiques, de cadre législatif et réglementaire, de type de propriété, de caractéristiques architecturales des bâtiments et d’environnement social et culturel. Les trois cas de démonstration sont situés en Italie, en France et en Suède. Le rôle de Bouygues Construction est de piloter l’étude et les travaux d’intégration des nouvelles technologies sur les trois sites de démonstration, tout en respectant les différentes contraintes de chaque pays.

A quel stade d’avancement se trouve le projet et quelles sont les principales difficultés ? Quelles sont les prochaines étapes et les perspectives d’avenir ?

Le projet a débuté en octobre 2017 et durera 4 ans et demi. Nous en sommes aux phases d’études préalables pour les cas d’usages concrets de démonstration. Pour l’instant, la principale difficulté est la différence entre les réglementations des pays européens pour les solutions techniques. Cela exige un travail conséquent d’adaptation. Des plans de commercialisation et de réplication seront mis en place pour les produits, outils et services développés. Enfin, l’engagement des intervenants et le transfert des connaissances seront assurés grâce à une stratégie de communication et de diffusion bien pensée. Le plan de rénovation énergétique français a pour ambition un objectif de 500 000 logements rénovés chaque année à partir de 2017. Il n’y a pour l’instant pas d’ambition chiffrée à l’échelle européenne mais l’enjeu est majeur.