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Aménager la ville avec l’eau : gérer la ressource tout en faisant face aux risques d’inondation

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En France, 1 personne sur 4 et 1 emploi sur 3 sont exposés aux risques d’inondation, par débordement de cours d’eau ou par submersion marine. Plus généralement, les inondations constituent un aléa naturel majeur dans plusieurs régions du monde. Ces risques sont aujourd’hui accentués par le dérèglement climatique et l’augmentation des épisodes météorologiques extrêmes, en particulier les événements pluvieux intenses. En contexte urbain, caractérisé par une forte imperméabilisation des sols, ces phénomènes favorisent le ruissellement et les pollutions associées et entraînent des engorgements et des inondations. Par ailleurs, l’urbanisation en zone inondable constitue un enjeu économique et social majeur pour les territoires. Pour relever ces défis, de nouvelles approches se développent pour mieux vivre avec l’eau en ville.

Reconstituer un cycle de l’eau en milieu urbain

Pour réduire l’ampleur des impacts, les villes adoptent désormais des approches de gestion à la source des eaux pluviales, visant à favoriser au maximum l’absorption des pluies par le milieu et à reconstituer un cycle de l’eau en milieu urbain. Il s’agit de préserver ou de restaurer des espaces permettant l’écoulement naturel des eaux et de limiter ainsi le ruissellement. La ville s’adapte pour modifier le moins possible le fonctionnement des hydro-systèmes naturels. En Chine, le gouvernement lançait fin 2014 le programme national « Villes éponges » visant à rendre leur perméabilité à une trentaine de villes cibles. Ces villes pionnières testent divers types d’aménagements visant notamment à augmenter la capacité d’absorption des eaux et à éviter la saturation des réseaux de canalisation : noues, jardins de pluie, zones dépressionnaires, toits végétalisés, plans d’eau urbains, revêtements poreux, désimperméabilisation de parkings, bassins de rétention à plusieurs usages, etc. L’objectif ?  A l’horizon 2030, 80% de la superficie de ces villes doit intégrer des aménagements favorisant l’absorption, la rétention, le stockage, l’épuration, le drainage et la réutilisation de 70% des eaux pluviales qui les touchent. En France, la même année, le Grand Lyon démarrait son projet « Ville perméable » visant à évaluer les techniques alternatives de gestion des eaux pluviales dans les espaces publics. Trois ans plus tard, la métropole publiait un « guide d’aide à la conception et à l’entretien » pour sensibiliser les acteurs du territoire et encourager la prise en compte de la gestion des eaux pluviales dans les projets d’aménagement. A l’échelle des quartiers, des programmes de recherche se développent à l’image de MYSTIC, fruit d’un partenariat entre l’IFSTTAR, l’EPA Paris-Saclay et le Cerema. Le projet vise à mieux comprendre et à évaluer l’impact de l’aménagement d’un quartier sur le cycle de l’eau, avec comme cas d’étude le campus urbain situé dans le quartier du Moulon sur le plateau de Saclay. Il s’agit d’observer les effets de la construction de la ZAC sur les ruissellements évacués et sur la nappe superficielle. Pour ce faire, un modèle géologique du territoire en 3 dimensions a été construit : un suivi des niveaux de la nappe superficielle est mené en continu depuis 2012 ; et un modèle hydrologique détaillé et intégré est mis en œuvre afin de simuler les interactions de divers scénarios d’aménagement. Le modèle de recherche continuera d’être développé pour simuler l’impact en fin d’aménagement.

L’eau de pluie devient une ressource

 Grâce à ce type de programmes, le regard sur l’eau de pluie évolue : souvent perçue comme une nuisance, source d’inondation, elle devient une ressource qui peut être réutilisée pour l’arrosage, le nettoyage ou les eaux sanitaires. L’enjeu est crucial en raison d’une fragilité croissante des villes face à la sécheresse à certaines périodes de l’année, entraînant des risques de pénurie d’eau. Pour être réutilisée, l’eau peut être conduite dans des bassins étanches enterrés qui jouent le rôle d’une citerne dans laquelle l’on puise l’eau pour arroser des plantes ou nettoyer une rue par exemple. D’anciennes infrastructures peuvent aussi être réutilisées à cet effet. C’est ce qui a été fait rue Garibaldi à Lyon, où une ancienne trémie (tunnel au niveau d’un carrefour routier) a été conservée et fermée et sert aujourd’hui de stockage pour les eaux de pluie. L’eau alimente les balayeuses pour le nettoyage de la voirie et sert à l’arrosage des arbres lors des vagues de chaleur afin d’assurer la continuité de l’évapotranspiration et le rafraîchissement local de l’atmosphère. Sans ce dispositif, en période de canicule, les arbres arrêtent l’évapotranspiration pour ne pas se déshydrater, au moment où l’on aurait le plus besoin de leur pouvoir rafraîchissant.

Prendre en compte le risque d’inondation dans l’aménagement urbain

Aménager la ville avec l’eau, c’est aussi prendre en compte le risque d’inondation dans l’aménagement urbain. En 2015, le Centre européen de prévention des risques d’inondation (CEPRI) identifiait plusieurs principes d’aménagement pour guider les collectivités et les professionnels dans le cadre de projets de renouvellement urbain en zone inondable. Dans le cas d’une rivière en crue, l’un des enjeux dans les espaces urbains denses est de redonner de la place à l’eau pour permettre un écrêtement de la crue, c’est-à-dire une atténuation du phénomène. Dans le quartier Matra, à Romorantin, aménagé en bord de rivière, l’eau est une composante du paysage du quartier, qui permet de prévenir le risque visuellement. En cas de dépassement des cotes d’alerte de la crue, un parc public-bassin de rétention sert d’alerte visuelle. Tout a été conçu pour donner aux habitants le temps de voir l’eau monter, de s’organiser et de prendre des décisions. Des trottoirs et passages surélevés leur permettent par exemple de sortir de chez eux en cas d’inondation. Afin d’éviter d’alléger les coûts liés à la construction d’infrastructures dédiées à la gestion des eaux, un nombre croissant de projets intègrent des espaces multifonctionnels pouvant basculer vers un usage d’atténuation de crise en cas d’inondation. C’est le cas du watersquare Benthemplein à Rotterdam, par exemple. Cette place publique composée de 3 grands bassins, sert par temps sec de terrain de basket, de skate park ou d’amphithéâtre et permet de retenir l’eau pendant les épisodes de pluie intense. Le projet a été conçu avec l’implication des usagers des équipements adjacents (collège, église, théâtre) et les habitants. Il maximise l’impact de l’investissement en permettant le stockage de l’eau de pluie, l’amélioration de la qualité de l’espace public urbain et en apportant une dimension pédagogique sur la fonction du watersquare. D’autres principes existent : localiser les activités et les infrastructures urbaines en tenant compte de leur vulnérabilité par rapport au risque d’inondation, concevoir des bâtiments ou des infrastructures adaptés à la présence du risque d’inondation dans leur zone d’implantation (bâtiments amphibies, construction sur pilotis, bâtiments flottants), assurer le maintien du fonctionnement des réseaux techniques. La combinaison de l’ensemble de ces leviers contribue à renforcer la résilience d’un territoire ou d’un projet en cas d’inondation.   Lire aussi
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