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Les métavers, mine d’or pour les investissements immobiliers virtuels ?

4 minutes de lecture
En 2032, un milliardaire médiatique publie un livre choc : il raconte comment, en moins de dix ans, il a fait fortune en investissant uniquement dans l’immobilier virtuel, jusqu’à devenir l’un des plus grands propriétaires fonciers du Métavers. La plus-value à la revente de ses terrains virtuels, et la location de ses parcelles les mieux positionnées dans ces mondes alternatifs, ont fait sa fortune. Ses clients, les programmes virtuels qui s’y implantent, font appels aux meilleurs concepteurs de méta-espaces, afin de créer des expériences méta-architecturales marquantes. Fiction, ou futur possible ?
metavers dans l'immobilier

Le métavers, une idée de retour sur le devant de l’actualité

Le métavers est un terme élaboré en 1992 par l’auteur de science-fiction Neal Stephenson. Pour France Culture, la notion désigne un monde virtuel, un « inframonde social où l’on pourrait visiter un musée, organiser une réunion ou faire ses achats en réalité virtuelle ». Derrière cette appellation, le concept de monde virtuel parallèle est donc déjà ancien. Et dès les années 2000, les exemples de Second Life ou Everquest constituent déjà des univers virtuels en trois dimensions, accessibles via un ordinateur, tout comme bon nombre de jeux vidéo. Les MMORPG, jeux en ligne massivement multi-joueurs, comme World of Warcraft, recréent dans un monde en ligne des interactions sociales, tout comme les jeux « bacs à sable » Minecraft dans sa version multi-joueurs. Avec le temps, les expériences sociales et marketing se déroulant dans ces univers virtuels se diversifient : le jeu Fortnite a par exemple hébergé, en 2020, un concert en direct de Travis Scott par l’intermédiaire d’un avatar. Cependant, l’intérêt et l’utilisation du terme de « métavers » a fortement augmenté depuis le changement de nom de la maison mère de Facebook pour Meta. Le géant du net se voit, d’ici cinq ans, gestionnaire à 100% d’un univers en trois dimensions, doux refuge face aux problèmes du réel. Une vision que la société a promu dans une publicité diffusée lors du Superbowl 2022. L’entreprise, qui voit dans son casque de réalité virtuelle Oculus le moyen d’accès idéal pour se plonger dans le métavers, ne cache pas son ambition de capter ainsi plus de données de la part de ses utilisateurs… Et de vendre divers produits et services à travers le métavers-plateforme. Même certains acteurs étatiques se prennent au jeu. L’état insulaire de la Barbade a ainsi récemment annoncé vouloir établir une ambassade dans le métavers. Toutefois, cet état ne fait pas référence au métavers privé centralisé de Facebook, mais à celui, tout aussi privé mais décentralisé, de Decentraland. Le journal Le Figaro rapporte ainsi les propos de Gabriel Abed, ambassadeur de la Barbade aux Émirats arabes unis et ancien entrepreneur dans les cryptomonnaies, qui porte le projet : « Une ambassade dans le métavers est une démonstration de l’esprit d’initiative dont fait preuve la Barbade, pour faire passer les relations internationales et la diplomatie à l’ère technologique ».

NFT : ce qui est rare est cher ?

Au retour sur le devant de la scène du métavers s’ajoute un nouveau paramètre : l’arrivée des NFT (« Non Fongible Token », soit jeton non fongible). Contrairement aux fichiers informatiques habituels, aisément réplicables, les NFT sont une donnée informatique composée d’un jeton cryptographique qui représente un objet numérique. Ce jeton est accompagné d’une identité, qui rattache l’objet à un propriétaire, à l’aide de la blockchain. Dans les faits, cela permet d’être identifié comme propriétaire unique d’un objet numérique, lui aussi unique ; par exemple une œuvre d’art numérique. L’usage de la blockchain étant très gourmand en énergie, soulignons que l’augmentation de l’usage des NFT entraîne une hausse de la consommation de ressources, et contribue au changement climatique. Cela n’empêche pas l’accélération de leur utilisation dans l’art contemporain, rendant certaines œuvres numériques infalsifiables : l’hôtel des ventes Christies a ainsi réalisé début 2021 une vente de 3,5 millions d’euros pour un ensemble de dessins numériques de l’artiste Beeple, qui vendait ses œuvres pour la seconde fois. En recréant la rareté dans le numérique, les NFT ouvrent la voie à la spéculation. Cette technologie NFT est utilisée par The Sandbox pour construire « un métavers ouvert, libérant de nouvelles opportunités économiques, en permettant aux gens de construire et de monétiser leurs créations, des avatars, des bâtiments et des objets à sélectionner », comme l’indique aux Echos un investisseur de Softbank. Chaque utilisateur y détient des actifs certifiés par la blockchain, et peut effectuer des transactions avec la cryptomonnaie « Sand ». La plateforme permet notamment d’acheter des parcelles de terrain numériques.

Plus de 4 millions de dollars pour un terrain… totalement virtuel

The Sandbox revendique déjà plus de 12 000 propriétaires fonciers… virtuels. En décembre 2021, l’entreprise Republic Realm a ainsi annoncé avoir dépensé 4,3 millions de dollars pour acquérir un terrain sur The Sandbox. L’entreprise canadienne Tokens.com avait, pour sa part, annoncé en novembre avoir dépensé 2,4 millions de dollars pour un achat immobilier virtuel sur le site Decentraland, en payant en crypto-monnaie MANA. Pour ces investisseurs, « acheter une parcelle dans le métavers aujourd’hui, c’est comme acheter des terrains de Manhattan quand l’île était recouverte de forêts. » Cette dernière entreprise, Decentraland, vise tous les records dans son métavers qualifié de « mix d’entertainment, de retail, de réseau social et de mines d’or pour les acquéreurs » par Usbek & Rica. Afin d’y créer de la rareté et d’encourager la spéculation, le terrain y est limité à 90 601 parcelles de terrain sur un total équivalent à environ 23km² virtuels. En janvier 2022, Axel Moss a diffusé sur Twitter la vidéo d’une rave party virtuelle ayant eu lieu sur cette plateforme. En février, un premier mariage virtuel y a été organisé, tandis que Samsung a annoncé qu’il présenterait ses nouveaux smartphones dans ce proto-métavers. Certains artistes, comme le norvégien Bjarne Melgaard, y exposent leurs œuvres dans des galeries virtuelles invitant à les acheter… via les NFT. L’expérience d’Elena Scappaticci, journaliste pour Usbek & Rica, fait pourtant déchanter : « un désert blindé de panneaux publicitaires ».

Spéculation ou prémices d’une nouvelle économie ?

D’autres acteurs du même type vendent des lots immobiliers virtuels, dans leurs plateformes dites « bac à sable » : Roblox, Axie Infini, Upland, Cryptovoxels ou encore Somnium Space. Mais ces espaces virtuels, où un marché « immobilier » sans existence physique mais à la valeur bien réelle se développe, ne seraient-ils qu’un mirage dédié à la spéculation, dans une période d’abondance de liquidités et d’incertitudes massives sur les investissements classiques ? Une économie future se développera-t-elle vraiment autour des métavers ? Ou bien ces univers ne seront-ils que des supports de communication, tout au plus un produit dérivé de marques présentes dans l’économie réelle ? Existe-t-il un pont entre la construction de bâtiments physiques et le « game design » de modèles numériques architecturaux ? Au-delà de ces questions portant sur un univers abstrait, les NFT impactent déjà l’immobilier de manière beaucoup plus opérationnelle à travers de nouveaux outils pour les transactions réelles.