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Trois questions à Mehdi Mahmoudysepehr, ingénieur en Géomécanique et doctorant au sein de la Chaire Construction 4.0

5 minutes de lecture
Mieux comprendre et interpréter les comportements des tunneliers, afin d’anticiper et résoudre les problèmes techniques du métier ; c’est le projet de thèse de Mehdi Mahmoudysepehr, doctorant au sein de la Chaire Construction 4.0. Il nous en parle plus en détails !
Tunnelier

Votre thèse s’intitule Modélisation du comportement des tunneliers et impact sur leur environnement ? Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

L’objectif de ma thèse est d’améliorer la connaissance des comportements des tunneliers durant l’excavation, et notamment, de trouver les potentielles corrélations entre les paramètres opérationnels du tunnelier, les caractéristiques de terrain et le guidage. Jusqu’à maintenant, on utilisait des méthodes analytiques pour piloter les tunneliers. On souhaite désormais améliorer nos calculs en analysant les gros volumes de données récupérées sur le terrain. Une meilleure connaissance des interactions internes et externes subies par le tunnelier pourra ensuite aider les ingénieurs et les experts à optimiser les calculs actuels, et à anticiper et résoudre des problèmes techniques. En parallèle, je m’intéresse aux approches data-driven, qui consistent à prendre des décisions stratégiques sur la base d’une analyse Big Data. Avec ces approches, on peut notamment modéliser les comportements du tunnelier et optimiser des opérations comme le pilotage. Un cas d’usage concret ? Lorsqu’on pilote un tunnelier, il arrive que la jupe (partie arrière du bouclier) se coince. En améliorant la connaissance du bilan des forces qui s’exercent, on peut anticiper ce phénomène et l’éviter. Autre exemple : avec une meilleure connaissance du terrain, on peut améliorer la performance en accélérant la vitesse d’avance.

Portrait !

Mehdi est titulaire d’un master en Géomécanique, génie civil et risques, de l’université Grenoble Alpes. Il est également diplômé Ingénieur en Génie minier (extraction des mines) à l’université de KASHAN (Department of Engineering), en Iran. Mehdi a débuté sa thèse au sein du LaMcube (Laboratoire de Mécanique Multiphysique et Multiéchelle) à l’Ecole Centrale de Lille, dans le cadre de la Chaire Construction 4.0, sous la direction du Professeur Zoubeir LAFHAJ, en codirection avec le Professeur Amine AMMAR de l‘Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Métiers d’Angers. Au sein de Bouygues Travaux Public, la thèse de Mehdi est intégrée au sein du Tunnel Lab, dirigé par Nicolas BRAUD. Dans cette équipe, c’est Julien Larseneur qui accompagne Mehdi dans ses travaux.

Comment avez-vous mené cette thèse chez Bouygues Construction ?        

Ma thèse a commencé par une étude bibliographique pour identifier et évaluer les méthodes analytiques et numériques qui nous aident à acquérir des connaissances théoriques et techniques de l’excavation au tunnelier. Nous sommes des nains sur des épaules de géants, on s’appuie toujours sur les travaux réalisés par d’autres précédemment, pour pouvoir aller plus loin ! J’ai mené une étude pour améliorer notre connaissance du bilan des forces exercées sur le tunnelier, afin de mieux comprendre et interpréter son comportement. Pour cela, de nouveaux capteurs ont été disposés sur un tunnelier du Grand Paris Express. A partir de là, j’ai pu entrer dans le concret ! De manière à modéliser les comportements du tunnelier, j’ai utilisé les méthodes data-driven pour évaluer les paramètres opérationnels et les paramètres de trajectoires du tunnelier, ainsi que les caractéristiques géomécaniques du terrain. L’objectif : trouver des corrélations significatives entre ces paramètres. Cette évaluation des paramètres opérationnels du tunnelier nous donne les compétences nécessaires pour mieux comprendre la physique des phénomènes d’excavation. Enfin, j’ai développé une approche basée sur une instrumentation du tunnelier, c’est-à-dire qu’avec mes collègues électroniciens de l’équipe, nous avons déployé de nouveaux capteurs, afin de calculer les charges exercées sur la structure de la jupe. Cette méthode améliore le calcul du bilan des forces ; on peut ainsi optimiser le calcul des efforts subis par le tunnelier et résoudre des problèmes techniques concernant son avancement. La dernière étape, encore en cours, consiste maintenant à utiliser les méthodes d’apprentissage statistique (Machine Learning and Deep Learning) pour modéliser le comportement du tunnelier et optimiser son pilotage.

Quelle est la suite ?

Cette étude peut être une première étape pour utiliser des algorithmes « d’apprentissage », afin d’automatiser le pilotage du tunnelier, ou tout au moins aider le pilote à mener celui-ci avec plus d’informations, et donc augmenter la fiabilité et la sécurité. Un des prochains objectifs : expérimenter sur de nouveaux chantiers. A ce jour, seul un tunnelier a été équipé de capteurs, et, du fait de la cyberattaque et des arrêts de chantiers dûs au Covid-19, il y a eu quelques problèmes techniques dans la remontée des données. Pour le moment, mes calculs se basent donc sur des données récupérées entre juin et décembre 2019. Mais malgré ces deux crises successives, je ne me décourage pas du tout, au contraire ! Quelle fierté que le projet continue malgré ces difficultés. Enfin, tout au long de cette thèse, j’ai eu la chance de pouvoir beaucoup échanger avec des experts et ingénieurs du Tunnel Lab, de la Direction Tunnel et de la Direction Méthodes et Prix concernant les enjeux techniques liés au sujet. Je continuerai dans cette approche, car il est important de rester connecté à la réalité « métier ». Une thèse, ce n’est pas faire avancer la recherche pour la recherche : il s’agit d’apporter, grâce à la recherche, des réponses concrètes au service des besoins du terrain.

Zoom sur… le Tunnel Lab

Le Tunnel Lab est en charge de transformer en prototypes les idées et concepts des équipes de Bouygues Travaux Publics. Ces prototypes sont ensuite déployés sur les tunneliers en production. Après cette première étape cruciale, le second challenge de l’équipe est de travailler à l’industrialisation de ces innovations, pour permettre de proposer les meilleurs services à nos clients. Les missions du Tunnel Lab amènent l’équipe à sélectionner des partenaires – petites ou grandes entreprises – afin de développer ces innovations. L’équipe travaille également en collaboration avec des scientifiques, pour détecter puis proposer les nouvelles technologies répondant aux besoins des équipes métiers. Cette équipe, pluridisciplinaire est menée par Nicolas Braud. Elle est composée de chefs de projet confirmés et d’experts en matériel, énergie, tunnels, géologie, informatique embarquée, analyse de données.