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Intensifier l’utilisation des bâtiments existants

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Comment faire plus avec moins ? La ville d’aujourd’hui est confrontée à de nombreux défis. Il faut émettre moins de carbone, stopper l’étalement de la ville sur les espaces naturels, et à la fois disposer de suffisamment d’espace pour vivre en harmonie sociale et de manière adaptée à des usages en évolution : familles recomposées, télétravail, etc… Face à cette injonction contradictoire – avoir plus d’espace en s’étalant moins – le temps constitue une ressource insoupçonnée !
Certains espaces de nos bâtiments sont utilisés seulement certaines parties de la journée, de la semaine et de l’année. Par exemple, les équipements scolaires sont généralement utilisés environ 20% du temps, tandis que les bureaux sont utilisés de 30% à 45% du temps. On peut donc les utiliser plus, intensifier leur usage, en mobilisant de nouveaux usages et utilisateurs. Examinons quelques exemples concrets. Les approches pour intensifier l’usage d’un lieu renvoient à la notion de chronotopie. Celle-ci souligne la prise en compte simultanée des dimensions temporelle (chronos) et spatiale (topos). Nous regroupons dans cette notion les approches consistant à travailler sur la temporalité pour faire vivre alternativement plusieurs profils d’utilisateurs ou plusieurs types d’usages dans un même lieu. Différentes approches permettent d’accroître l’intensité d’utilisation d’un actif urbain ou immobilier. Pour réduire les périodes d’inutilisation de la structure, on peut généralement jouer sur 3 facteurs distincts : les horaires d’utilisation, les différents usages auxquels le lieu est affecté, et les différents publics d’utilisateurs ayant accès à l’espace.  

Mutualiser un espace entre plusieurs profils d’utilisateurs

Intensifier l’utilisation au sein d’un espace peut se faire en élargissant l’éventail des profils d’utilisateurs, tout en gardant la même fonction. Les utilisateurs plus diversifiés partagent ce lieu pour un même usage : On parle de mutualisation. Cette approche conduit à un potentiel important, pour les équipements publics comme les écoles et les équipements sportifs : Par exemple, à Paris en 2019, les coopérations entre 201 associations sportives et 18 équipements scolaires permettent la pratique hebdomadaire de plus de 1000 heures supplémentaires en dehors des horaires de classe. Les lieux de travail, privés, comme les bureaux, espaces de production et d’artisanat local, sont également mutualisables. A Marseille, la manufacture collaborative et solidaire “Ici Marseille” est implantée au cœur du projet urbain des Fabriques porté par Linkcity et Bouygues Immobilier. C’est un lieu de production artisanale et de savoirs partagés qui illustre le retour de la production en ville par la mutualisation d’ateliers entre professionnels, en partie accessibles au grand public. Il est également possible de mutualiser les parkings entre bureaux et logements. Le concept OptiMove repose sur une modélisation des besoins de stationnement pour l’usage d’un immeuble de bureaux d’une part, et d’un ensemble de logements d’autre part. L’étude d’occupation horaire des parkings permet d’optimiser le dimensionnement de parkings en ne gardant que le nombre de places nécessaire au pic d’utilisation journalier par les deux publics. Cette méthodologie a été utilisée sur le projet de La Maillerie à Villeneuve d’Ascq et a permis un gain de places de plus d’un tiers par rapport à ce qui était prévu initialement, tout en respectant les exigences des bureaux et logements voisins. Dans les logements, on peut envisager le partage de certains espaces comme les buanderies ou les terrasses. Dans la production d’habitat participatif, il est courant de prévoir des espaces partagés entre les résidents. Cette pratique se diffuse également dans le logement social, par exemple avec la mise à disposition de chambre d’amis disponibles sur réservation, ainsi que dans le logement privé, avec par exemple la constitution d’espaces de co-working partagés au sein d’une résidence. Dans ce contexte, de plus en plus d’offres de logement incarnent le concept de co-living. Ces espaces offrent à des degrés divers la possibilité de partager des espaces communs généreux au prix d’espaces individuels réduits. S’inscrivant dans la tendance de l’économie de la fonctionnalité, et donnant vie à l’habitat serviciel, ils proposent généralement une palette d’espaces partagés particulièrement large assortis de services, souvent inspirés de l’hôtellerie ou des auberges de jeunesse. Le co-living regroupe toutefois des modèles très diversifiés.  

Hybrider différents usages dans un même espace pour intensifier son usage

Une seconde approche pour intensifier l’utilisation d’un bâtiment joue sur le levier de l’hybridation d’usages. Elle consiste à utiliser un lieu pour différents usages, souvent au moyen de dispositifs amovibles (cloisons, meubles, portes), coulissants ou déplaçables. Par exemple, le système de bureaux amovibles installé dans l’open space de l’entreprise Heldergroen, permet, le soir venu, de les faire remonter vers le plafond pour transformer la pièce en salle de sport ou de réception destinée aux employés. Hybrider les usages nécessite de s’assurer d’un certain nombre de dispositions, allant de la simplicité de l’utilisation de l’aménagement à la souscription à une assurance adaptée jusqu’à la multiplicité des usages et des usagers. Le rythme des journées des utilisateurs revêt alors un caractère dimensionnant pour l’utilisation de l’espace. On peut combiner cette approche d’hybridation d’usages avec la mutualisation, en offrant un lieu pour différents types d’usages et différents utilisateurs. Il faut alors convaincre les parties prenantes des externalités positives associées à une plus grande ouverture sur la ville, et assurer une gestion harmonieuse des interactions. Les publics et les usages admis dans les établissements scolaires ou universitaires par exemple tendent à se diversifier : location de cours d’écoles pour des événements festifs, d’amphithéâtres pour des conférences externes, etc. Cela peut participer à intensifier dynamisme d’un quartier ou répondre à des besoins plus ponctuels, que sont les besoins des locaux pour l’organisation d’un séminaire d’entreprise, ou d’un atelier associatif. Par exemple, le Mab’Lab est un espace de coworking pour tous avec une particularité de taille : il utilise les locaux du restaurant universitaire du Crous Mabillon, à Paris, en dehors des heures de repas. Ce projet a conduit à de nouvelles formes de partenariat entre l’acteur de la restauration universitaire et l’opérateur de coworking. On peut également mentionner divers espaces de bureaux, qui au lieu de se refermer sur eux-même s’ouvrent sur la ville : ainsi, les Magasins Généraux de Pantin ont été reconvertis par l’agence de communication BETC en espace de travail et de création avec un RDC ouvert à tous. Dédié à une programmation culturelle pour les habitants du quartier, cette espace favorise la synergie entre les visiteurs, les artistes et les collaborateurs BETC qui travaillent dans les étages. Dans le même esprit, le RDC de la future Maison de l’innovation du groupe La Poste sera ouvert au grand public et à des acteurs du numérique et de l’innovation. Ce tiers-lieu prendra la forme d’une agora ouverte sur la ville physiquement et intellectuellement grâce à des partenariats avec des start-up locales.  

« Aménager le temps pour gagner de l’espace »

C’est ainsi que le géographe Luc Gwiazdzinsky évoque les possibilités permises par la chronotopie. Pour en savoir plus sur ce sujet, nous vous proposons une note de tendances synthétique accessible ici, ainsi qu’un cahier de tendances « Espaces Hybrides, Villes en Transition » disponible en téléchargement qui dresse un panorama plus détaillé et plus large autour de l’utilisation du temps comme levier face aux défis urbains contemporains.