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[Panorama Villes Durables] #4 Pontevedra, la ville sans voiture

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La ville de Pontevedra a mis en place un plan de mobilité urbaine limitant très fortement l’usage de la voiture. Avec à la clé une baisse drastique de la circulation et des niveaux de pollution, ainsi qu’un bien vivre retrouvé pour les habitants et une redynamisation économique du centre ville.
Pontevedra est une ville espagnole de taille moyenne d’un peu plus de 80 000 habitants située en Galice, au nord-ouest de l’Espagne. A priori sans histoire, cette commune de la taille de Poitiers, Avignon ou Dunkerque, est pourtant régulièrement au centre des discussions lorsqu’il s’agit de la mobilité. En effet, Pontevedra est connue pour avoir mis en œuvre depuis plus de 20 ans une politique urbaine axée sur la forte limitation de la présence des véhicules motorisés, et donc en faveur d’une mobilité plus durable et conviviale. Cette approche a été pensée et développée lors de l’arrivée de Miguel Anxo Fernández Lores à la Mairie en 1999. Inscrite dans le plan de mobilité urbaine durable de la ville, Pontevedra a tout simplement banni progressivement les voitures de son centre ville. Véritable projet de société mis en place par la Municipalité, l’idée de reconquérir l’espace urbain accaparé par les voitures au fil des années pour le rendre aux Pontevedrien.nes est une approche souvent citée en exemple pour sa réussite dans la création d’un environnement urbain plus durable et axé sur la qualité de vie des habitants. Et Miguel Anxo Fernández Lores est d’ailleurs constamment réélu depuis. Il honore actuellement son 6ème mandat.
Crédits : LBM1948 

Une politique contraignante mais une mise en place progressive 

Dans les années 90, la ville était totalement asphyxiée car au cœur du croisement entre deux routes traversant la Galice. Jusqu’à 28 000 véhicules circulaient chaque jour sur la place centrale du centre historique. La première mesure a donc été de piétonniser une partie de ces deux voies majeures ainsi que le centre historique, et de redessiner les sens de circulation avec la mise en place de boucles à sens unique. Et ce 3 mois après l’élection de 1999, promesse de campagne oblige. Un des premiers principes aura également été une nouvelle hiérarchisation des modes de déplacement urbains. L’ordre d’importance donné aux modes de déplacements a donc été redéfini en 2002 avec la publication du premier arrêté de mobilité qui donne la priorité à la mobilité naturelle sur celle motorisée. À présent, priorité aux piétons devant les cyclistes, puis les transports en communs et enfin les véhicules motorisés. Quelques années plus tard en 2010, la municipalité a poursuivi son plan en abaissant la limitation de la vitesse à 30 km/h dans toutes les rues de la ville, indépendamment de leurs dimensions. Ce principe sera même étendu à certaines rues municipales en dehors de l’agglomération en 2012. A noter que plusieurs rues sont même limitées à 20 voire 10 km/h.

La guerre au stationnement

Il est important de dire que Pontevedra n’est pas réellement une ville sans voiture. En effet, la municipalité autorise certains véhicules dans le centre ville historique, comme les véhicules d’urgence, les facteurs ou encore les riverains ou les véhicules de livraison. Mais avec la stricte règle de rouler au pas. Il s’agit de fortes contraintes mais qui permettent malgré tout certains déplacements motorisés nécessaires au bon fonctionnement de la ville. Ce n’est donc pas une interdiction pure et simple, et ça change beaucoup de choses. Une autre mesure phare du plan est celle de supprimer le maximum de places de stationnement dans la ville. Pour cela, la stratégie choisie a été de construire une dizaine de vastes parkings gratuits à l’entrée de la ville, et de rendre payants ceux situés dans la ville. Le stationnement a même été interdit dans le centre historique. Quelques places ont été maintenues entre les deux, mais avec une restriction forte : 15 minutes maximum de stationnement avec vérifications régulièrement par la police via scanners de plaques et caméras. Et 200€ d’amende en cas de dépassement ou de stationnement “sauvage” (ramenée à 100 euros si payée sur place). Travailler sur le stationnement aura été la mesure la plus efficace pour achever de réduire la circulation, car dans l’incapacité de se stationner les usagers de voitures ont bien été obligés de le faire en dehors de la ville. Par ailleurs, quand on sait que 20% du trafic automobile en ville est lié à la recherche d’une place pour se garer, c’était en effet une bonne manière d’adresser concrètement ce problème. Et les habitants se sont habitués, la police locale distribue aujourd’hui deux fois moins d’amendes qu’il y a 20 ans.  
Le plan “Metrominutos 

Des résultats tangibles et un bien-être retrouvé

En 20 ans, 90% du trafic automobile aurait été supprimé. Le nombre d’habitants qui prenaient la voiture pour un trajet à l’intérieur de la ville a baissé de 67% par rapport à 1997, d’après un document d’analyse publié en 2017 par la Municipalité, et quasi 70% des trajets se font désormais à pied ou en vélo. La ville a également créé un plan isochrone de la ville c’est-à-dire tracé selon les temps de trajet et la distance à parcourir. Ce plan, baptisé “Metrominutos”, est aussi vu comme un outil ludique de promotion de la marche à pied. Les niveaux de pollution ont également mécaniquement baissé : 61% de CO2 en moins, les nuisances sonores ont disparu du centre historique, et la sécurité routière a été nettement améliorée : aucun mort sur la route depuis 10 ans. Par ailleurs, la Municipalité a accompagné ces nouvelles règles par une vraie transformation du paysage urbain dans le but de rendre l’espace public aux riverains. Les trottoirs ont été supprimés dans l’hyper centre ou au contraire élargis dans le reste de la ville afin de laisser plus de place aux piétons. Des bancs ont été installés et des espaces végétalisés ainsi que des aires de jeux ont été déployés. Ainsi, les rues ont été rendues aux enfants et aux piétons. Un dynamisme économique a même été constaté chez les commerçants du centre avec une hausse significative de la fréquentation des magasins et boutiques. La zone piétonne a permis de redynamiser le quartier pendant que la Mairie interdisait les nouvelles constructions de grands centres commerciaux dans la ville, faisant le pari des commerces de proximité. Le changement des mentalités ne s’est pas fait en un jour. Il a fallu accompagner ces modifications profondes du réseau urbain. La stratégie en douceur par étape progressive semble avoir fonctionnée et porte ses fruits depuis de nombreuses années. Pontevedra a reçu plusieurs prix internationaux récompensant sa politique de mobilité urbaine et sa qualité de vie : le prix européen Intermodes en 2013 à Bruxelles, le prix d’excellence urbaine du Center for active Design en 2015 à New York, le premier prix de la sécurité routière urbaine aux European Mobility Week Awards 2019 ou enfin le premier premier prix de sécurité urbaine en milieu urbain de la Commission européenne en 2020. La traduction démographique ne s’est pas faite attendre, puisque tandis que la population quittait la ville dans les années 1990, la courbe démographique s’est depuis inversée : la ville a gagné 10 000 habitants entre 2001 et 2016.