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Comment les acteurs américains de la construction innovent-ils ?

3 minutes de lecture
Interview de Viviane André, analyste chez Winnovation, filiale du Groupe Bouygues.
acteurs construction aux Etats-Unis
Créée dans les années 2000, Winnovation est une filiale implantée par les Télécoms à San Francisco. Elle s’est par la suite ouverte à toutes les métiers du groupe Bouygues, dont la construction. Viviane André, analyste, nous présente ce bureau de veille sur le territoire américain, décryptant les tendances et les grands sujets d’un des pays leaders en matière d’innovation.

Quelles sont les missions principales de Winnovation ?

Viviane André (V.A) – Winnovation travaille sur les sujets propres aux secteurs de l’ensemble du Groupe Bouygues (Télécoms, Construction, Immobilier, Médias). Pour ma part, je me consacre aux tendances relatives à la construction, l’immobilier, les routes et la ville en général.

Trois missions principales

  • Les analyses de tendances. Ces analyses peuvent porter sur un sujet précis et/ou sur des entreprises qui cherchent à révolutionner le secteur, comme Side Walk Lab, filiale de Google qui avait répondu à un appel à projet de Smart City à Toronto.
 
  • Le networking qui nous permet de développer un écosystème en rencontrant des acteurs américains dans le monde du BTP et d’échanger sur des sujets d’innovation, de stratégie, etc.
 
  • L’organisation de learning expeditions, qui sont à la croisée des deux missions précédentes et font le lien, physique et intellectuel entre le groupe Bouygues – en particulier Bouygues Construction – et notre travail ici aux Etats-Unis. A partir de nos analyses, on identifie un secteur clé pour organiser une learning expedition et permettre aux collaborateurs et collaboratrices en France de s’inspirer.
 

Selon vous, quelles sont les spécificités concernant les marchés et les acteurs de la construction aux Etats-Unis ?

V.A – Mes expériences précédentes dans le secteur de la construction en France me permettent de faire des ponts entre les sujets, les acteurs et la réalité globale du monde du BTP entre la France, l’Europe et les Etats-Unis. J’identifie trois principaux sujets liés au secteur de la construction aux Etats-Unis. Le climat, thème qui prend progressivement de plus en plus d’importance aux Etats-Unis. Les investissements se multiplient sur la questions du carbone, de l’efficacité énergétique ou encore les nouvelles mobilités. A cet égard, Third Sphere, une Venture Capital, propose un fonds d’investissement 100% dédié au climat. La construction industrialisée : il s’agit de construire mieux, plus vite et moins cher. Cela passe par la « productisation » à l’image de ce que réalise l’entreprise d’Elon Musk, The Boring Compagny, qui propose un produit bien spécifique : un tunnel de diamètre assez petit où seule une voiture peut circuler. L’entreprise ne fait pas de sur-mesure, ce qui lui permet de réduire ses coûts. Ce n’est pas le seul exemple. Nous pouvons aussi citer RAD URBAN, Cloud Appartments, Veev qui ont créé des produits pour le résidentiel. La ville, de manière générale. Une des spécificités américaines tourne autour de la question de la mobilité car la voiture est encore le mode de déplacement privilégié. C’est pourquoi les Etats-Unis sont un berceau d’innovation en ce qui concerne le développement des voitures autonomes. Alphabet, Amazon, GM (et encore d’autres) investissent beaucoup dans ce domaine. En résumé, les Etats-Unis – et notamment la côte Ouest – sont un foyer exceptionnel de start-ups avec de belles opportunités d’investissements.  

En ce qui concerne la ville, vous avez mené une étude sur la Smart City. Pourriez-vous nous dire où en est le concept aujourd’hui aux Etats-Unis ?

V.A – Il y a une petite dizaine d’années, le sujet Smart City était très important dans les villes américaines et les entreprises se sont mises à investir massivement dans les innovations technologiques. La Smart City s’appuie sur trois axes principaux : améliorer la qualité de vie, s’inscrire dans une démarche durable et promouvoir le digital. Si ces piliers restent d’actualité, la manière de les transcrire dans les villes grâce, notamment, à des innovations technologiques, a largement évolué. En effet, il y a eu un manque de transparence et de communication entre les Villes et les habitants sur les projets pilotes de Smart City, ce qui a mené à un vrai bad buzz… Certaines solutions développées – comme la reconnaissance faciale – étaient décriées par les citoyens qui ont vu en la Smart City une atteinte à la vie privée et un ajout inutile de technologie. Actuellement, le terme « Smart City » a mauvaise presse, les villes vont lui préférer d’autres expressions comme la Clever City, la Futur Ready City ou la Digital City à l’image de San Francisco. Ce que veulent les villes c’est un contact plus humain, au plus proche des habitants et de leurs besoins. Cela joue énormément sur leur manière de concevoir les solutions. Auparavant, le high-tech avait le vent en poupe. Il fallait innover constamment pour répondre aux problématiques des citoyens. Aujourd’hui les villes ont compris que la solution pouvait parfois s’appuyer sur le low-tech, toujours en cherchant à s’adapter aux usages. Par exemple, la ville de Boston a rédigé son manifeste « Smart City Playbook » à destination de tous les acteurs de la Smart City. Parmi les six axes de changement évoqués, on y retrouve des thématiques essentielles. Faire un bon usage de la Data, promouvoir le droit à la vie privée et développer des innovations répondant à des problématiques sociétales sont autant de points sur lesquels la Smart City évolue, afin de se reconnecter aux besoins des territoires et des habitants.  

Quels sont les futurs sujets et projets de Winnovation ?

V.A – Un sujet majeur qui émerge de plus en plus, un peu tardivement comparé à l’Europe, c’est le climat. Aux Etats-Unis les conditions météorologiques s’aggravent et deviennent alarmantes, ce qui touche l’opinion publique et réveille les consciences. Ce n’est pas une tendance dans le sens où ce n’est pas une nouveauté mondiale mais cela arrive enfin aux Etats-Unis avec des innovations sur le sujet et beaucoup de levées de fonds. Cela fait le lien avec le deuxième sujet, qui est celui des investissements. Les USA sont l’endroit des Venture Capital. Au-delà de rencontrer des entreprises et des start-ups du secteur de la construction, je suis souvent amenée à rencontrer des investisseurs, c’est une vraie spécificité. Il est important de noter qu’aux Etats-Unis, les levées de fonds sont d’une tout autre dimension et que les échelles de valeur sont bien différentes, ce qui permet au côté high-tech de se développer rapidement. Ce sont des sommes d’argent conséquentes qui permettent au secteur de la construction d’accélérer sa transformation.
Après les Télécoms et les Médias, c’est au tour de la Construction de connaitre sa révolution, particulièrement dynamique sur le territoire américain. C’est pourquoi le Groupe Bouygues y développe son écosystème et y investit, à l’image de son intérêt récent pour la start-up californienne, Alice Technologies.