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Pour lutter contre l’artificialisation des sols, devrons nous construire de plus en plus haut ?

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Lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols est une priorité nationale qui pousse les acteurs du bâtiments à chercher des solutions pour densifier les villes. L’une d’entre elles consiste notamment à construire des immeubles toujours plus hauts. Un sujet controversé.
Construire écologie digitale
La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 comporte de nombreuses dispositions visant à adapter les règles d’urbanisme pour lutter contre l’étalement urbain et protéger les écosystèmes. Elle acte notamment l’objectif de réduire par deux le rythme d’artificialisation des sols dans les 10 ans à venir afin d’atteindre le Zéro Artificialisation Nette en 2050. Ce qui n’est pas rien car, actuellement, on estime que la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers par l’étalement urbain se situe entre 20 000 et 30 000 hectares chaque année. En cumulé, cela représente l’équivalent d’un département tous les quinze ans.   Pour faire face à cela, la loi Climat et Résilience a donc mis en avant la nécessité de mieux maîtriser l’étalement urbain, notamment par “le renouvellement urbain et l’optimisation de la densité des espaces urbanisés”. Et sur ce point, la loi entend notamment agir sur la hauteur des bâtiments dans le PLU permettant ainsi aux pouvoirs publics “d’autoriser les constructions faisant preuve d’exemplarité environnementale à déroger aux règles des plans locaux d’urbanisme relatives à la hauteur, afin d’éviter d’introduire une limitation du nombre d’étages par rapport à un autre type de construction ».   Autrement dit, le futur de la ville devrait désormais s’écrire de manière verticale afin de permettre de concilier l’accroissement de la population avec celui des zones urbaines tout en respectant les contraintes environnementales. Une logique qui, cependant, ne peut se suffire à elle-même et nécessite d’être menée en concertation avec les habitants.   tour montparnasse

Construire en hauteur : un levier parmi d’autres

La construction en hauteur apporte une réponse à la question de l’étalement urbain afin de contrer ce qu’on pourrait considérer comme une sorte de “passion française” : la maison individuelle avec jardin. En France, depuis les années 1970, c’est le principal modèle de développement urbain et l’une des principales raisons à l’étalement des villes. Ainsi, partout sur le territoire, des zones pavillonnaires et des lotissements de petites maisons individuelles avec jardin se sont développées ces dernières années. Entre 2000 et 2007, par exemple, 61% des logements construits étaient des maisons individuelles, contre 50% à la fin des années 1990.   Mais ce modèle urbain, notamment celui des lotissements, n’est plus viable en raison de l’urgence écologique. Et puisqu’il faut désormais protéger à la fois la biodiversité mais aussi les terres agricoles, les territoires ont l’obligation de réinventer leur développement urbain autour d’une notion phare : la densification.   Or, densifier, ce n’est pas forcément construire toujours plus haut, même si le sujet fait évidemment partie de la réflexion. Pour lutter contre l’artificialisation, les territoires ont ainsi plusieurs leviers à disposition : réhabiliter les friches industrielles et commerciales ; s’intégrer dans une logique d’urbanisme circulaire qui favorise la construction modulaire et la mutualisation des usages ou encore optimiser le territoires via des pratiques comme le BIMBY (Buid in my backyard) qui consiste à diviser des jardins jugés trop grands par leurs propriétaires afin d’y construire de nouveaux logements.   “La France dispose d’un parc de 19 millions de maisons individuelles. Si chaque année un propriétaire sur 100 décidait de diviser son terrain pour le valoriser comme terrain à bâtir, ce sont quelques 200 000 terrains qui pourraient voir le jour sans engendrer aucun étalement urbain” explique l’urbaniste David Miet, qui milite pour la démocratisation de ce sujet. Densifier la ville permet ainsi de récupérer de l’espace sans avoir nécessairement le besoin de construire plus haut, en anticipant simplement des évolutions d’usages : c’est savoir transformer une cantine en espace de co-working ; c’est pouvoir rajouter un étage à un bâtiment ou savoir que lorsqu’on va construire des bureaux ou des parkings, on le fera de manière à pouvoir les transformer en logements quelques années plus tard si le besoin existe.   En parallèle de ces leviers, replacer le logement collectif au cœur des politiques urbaines apparaît également comme un axe prioritaire pour répondre à 2 enjeux : celui de l’écologie mais aussi de la mixité sociale. Et pour cela, c’est évidemment par la construction d’immeubles en hauteur que cela passera. Avec une problématique : jusqu’où pouvons-nous construire en hauteur ?      

La verticalisation manque encore d’acceptabilité sociale

  S’il est certain que la densification des villes passera par le recours à des immeubles de plus en plus haut afin d’accueillir plus de personnes, de favoriser la mixité sociale et de permettre de faire baisser le prix de l’immobilier, le sujet doit aussi faire face à un véritable frein : l’acceptabilité sociale.   Un sondage publié récemment par Harris Interactive démontre ainsi que 51% des Français sont d’avis qu’il faut construire davantage en France “pour faire baisser le prix des logements” et “accueillir plus de personnes”. En revanche, seuls 32% sont d’accord pour que cela se fasse sur leur commune. “Ce que j’observe, […] c’est que quand on passe d’un rez-de-chaussée à un R + 1 (construction avec un étage), on a déjà des pétitions. L’acceptabilité de la construction d’étages supérieurs est très compliquée, elle est même proche de zéro” expliquait récemment au journal Ouest France Yannick Moreau, maire des Sables d’Olonnes, en Vendée, pour illustrer ce problème.   Ainsi, partout en France, la verticalisation des villes se heurte aux réticences et les projets de gratte-ciel attirent les foudres des riverains et des associations de protection de l’environnement. Cela a été le cas récemment à Paris avec le cas médiatisé de la Tour Triangle. Mais l’opposition à la verticalisation de la ville ne date pas d’hier. Déjà dans les années 1970, la construction de la Tour Montparnasse à Paris, ou de celles de la Tour Bretagne à Nantes et de la Tour Part-Dieu à Lyon ont été controversées, et principalement pour des questions d’harmonie.   Aujourd’hui, il en va de même pour la création d’habitats collectifs dans les zones urbaines qui, pour certains, n’aboutira qu’à condition de repenser l’aménagement des villes de manière globale, avec plus de proximité, avec plus d’espaces végétalisés. “Densifier la ville, ce n’est pas mettre du béton partout, ni faire des tours partout. On a des potentiels de végétalisation phénoménaux sur les 48 % d’espaces alloués à la voiture” explique par exemple l’urbaniste nantais Sylvain Grisot, qui s’est spécialisé sur les questions de ville frugale et d’urbanisme circulaire.   Une précision importante afin de ne pas oublier la ville de demain, au-delà de sa verticalisation, devra être repensée en profondeur afin d’être plus désirable pour toutes et tous, et pour tous les âges.