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Comment aménager et construire dans un contexte de « Zéro artificialisation nette » ?

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23 000 hectares : c’est la superficie moyenne annuelle d’espaces naturels, agricoles ou forestiers réaffectés à l’urbanisation en France ces dernières années, l’équivalent de 2,2 fois la superficie de Paris, de 33 000 terrains de football ou de 19 millions de places de parkings. Un chiffre qui fait de la France l’un des pires élèves européens en matière de sobriété foncière. Les impacts sur la biodiversité et les émissions de CO2 sont tels qu’il y a urgence à endiguer le phénomène.
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Alors que l’objectif de Zéro artificialisation nette (ZAN) a été inscrit dans le plan national Biodiversité en juillet 2018, restent à préciser la stratégie, la méthode et les moyens pour le concrétiser. Et à rechercher un modèle d’urbanisme plus dense, viable et vivable, dans les grandes agglomérations, mais aussi dans les centre-bourgs et les petites et moyennes villes. En 2000, en France, la Loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) marquait les premières tentatives de l’Etat français de limiter un mode d’urbanisation très consommateur d’espaces et amorçait la lutte contre le phénomène d’« étalement urbain », identifié depuis une bonne vingtaine d’années. Depuis, malgré un arsenal législatif[1] étoffé, force est de constater l’échec de ces dispositifs, régulièrement rappelé par des chiffres implacables : plus de 20 000 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers artificialisés chaque année en moyenne, principalement au profit de la production de logements et d’infrastructures routières. Et cette artificialisation progresse plus vite que la croissance démographique et économique. Pourtant, les causes sont identifiées et multiples : sous-exploitation du bâti (logements et bureaux vacants), attirance des ménages pour l’habitat individuel peu dense, développement des résidences secondaires occupées de manière intermittente, différentiel de prix du foncier incitant les entreprises à s’installer en périphérie des pôles urbains, cadre fiscal faisant des terrains urbanisables des sources de financement pour les collectivités, etc.

Renouvellement urbain, densification, réduction de la vacance et renaturation des espaces artificialisés

Aujourd’hui, la nécessaire révolution des pratiques est de plus en plus impérative au fur et à mesure que se précisent les vulnérabilités territoriales et sociétales induites par ces procédés et que sont de plus en plus tangibles les conséquences de la déstabilisation des écosystèmes naturels : effondrement de la biodiversité, augmentation des émissions de CO2, pollutions des sols, des eaux et de l’air, fragmentation des paysages, ruissellement des eaux augmentant le risque d’inondation. C’est dans ce contexte que l’objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) était inscrit dans le plan national Biodiversité en juillet 2018. Il s’agit de limiter autant que possible la « consommation » de nouveaux espaces naturels, agricoles et forestiers et lorsque cela est impossible, de rendre à la nature l’équivalent des superficies « consommées », par un processus de compensation. Depuis, les travaux se multiplient pour éclairer l’Etat sur la stratégie à adopter, la méthode à employer et les mesures à appliquer. Les scenarii prospectifs élaborés par France Stratégie font état d’une nécessaire réduction de 70% de l’artificialisation brute et de la renaturation de 5 500 hectares de terres artificialisées par an pour atteindre le ZAN à horizon 2030. Si renouvellement urbain, densification, réduction de la vacance et renaturation des espaces artificialisés laissés à l’abandon constituent les principaux leviers à actionner, reste à identifier et calibrer l’ensemble des outils disponibles : réglementaires (planification, plancher de densité dans les documents d’urbanisme), économiques (modulation de la taxe d’aménagement en fonction de l’impact de chaque opération, renchérissement des terres), diagnostic (mesure de l’artificialisation, connaissances des friches). De nombreuses questions sont également en suspens et méritent précision, ainsi que le suggère l’Assemblée des Communautés de France (AdCF) : A quelle échelle (nationale, régionale, locale) s’appliquent les mécanismes de compensation ? Comment chiffrer les hectares artificialisés et ceux renaturés ? Comment prendre en compte la valeur écologique et agronomique des terres dans le mécanisme de compensation foncière puisque « selon les contextes, un hectare n’équivaut pas à un hectare » ? Bien en amont de ces interrogations, le consensus n’est pas encore établi sur ce que l’on entend même par « artificialisation ». Faut-il considérer l’ensemble des sols artificialisés, catégorie dans laquelle rentrent les parcs et jardins au même titre qu’un parking goudronné, ou restreindre l’approche aux sols imperméabilisés, nouvellement bâtis ou revêtus ?

De premiers rétro-zonages dans les documents d’urbanisme

Tandis que ces points restent à clarifier et que les acteurs appellent de leurs vœux la mise en place d’une gouvernance dédiée, de premières inflexions apparaissent dans les pratiques. Depuis quelques mois, plusieurs intercommunalités (Hauts de Flandre, Baie du Mont-Saint-Michel) en phase d’approbation de leur Plan Local d’Urbanisme (PLU) intercommunal sont confrontées à des blocages de la part des services de l’Etat, avec pour principal motif l’ouverture excessive de consommations foncières. A l’inverse, les premiers rétro-zonages se dessinent comme dans le PLU de la Communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées qui reclasse 215 hectares de zones d’activités économiques périphériques en zones naturelles ou agricoles et réduit de 83% les zones constructibles dans les hameaux. Dans ce contexte où tout foncier fait désormais office de ressource précieuse à utiliser avec discernement, les friches sont des gisements fonciers majeurs et des leviers de densification ou de renaturation. Si des expertises devraient se développer sur les processus de renaturation et leur coût, certains acteurs ont déjà une antériorité sur le sujet et de bonnes pratiques à partager. C’est le cas de l’Etablissement Public Foncier (EPF) Nord – Pas-de-Calais, qui a « transformé plus de 2 000 hectares de foncier minier en zones humides, pelouses sèches, roselières et forêts… pour constituer la trame verte du bassin minier », explique Guillaume Lemoine, référent biodiversité et ingénierie écologique, interrogé par Le blog du foncier. Précurseur, l’EPF n’entend pas s’arrêter là et réfléchit aux moyens de préserver les sols et les espaces végétalisés en place lors des chantiers de déconstruction, imagine des usages transitoires de son stock foncier (biodiversité, biomasse, land-art, potagers urbains) et se positionne en facilitateur de compensation foncière en proposant des fonciers renaturés ou à renaturer lorsqu’ils répondent aux besoins de compensation de projets situés à proximité.

Un nouveau modèle d’urbanisme

Outre le développement d’une « économie de friches », l’objectif ZAN devrait contribuer à faire émerger un modèles d’urbanisme plus dense, viable et vivable, dans les grandes agglomérations, mais aussi dans les centre-bourgs et les petites et moyennes villes. Concilier besoins croissants en logements pour accompagner l’évolution démographique et de la structure des ménages et raréfaction du foncier suppose d’imaginer de nouveaux produits immobiliers et d’autres façons de construire : surélévation, formes urbaines et architecturales plus compactes, logements plus proches des lieux de vie et des centralités. Mais pour être comprises et racontées, cette densité et cette compacité doivent laisser des marges de manœuvre à la population et redonner une place de choix à la nature. Il s’agit d’écrire de nouveaux récits urbains, participatifs et de multiplier les projets à biodiversité positive et intégrant une production agricole urbaine. Dit autrement, réussir la décroissance de consommation d’espaces, de ressources et d’énergies en préservant la société.   [1] La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) de mars 2014 renforce le principe d’une « utilisation économe des espaces »   Lire aussi :
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