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Stratégies pour un immobilier résilient : interview de Camille Gautier, Innovation leader chez Elan

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Face aux nouvelles réalités climatiques et à des impacts de plus en plus perceptibles, une notion s’impose pour qualifier la capacité des territoires à continuer de fonctionner indépendamment de perturbations et en s’adaptant dès à présent aux évolutions irréversibles de long terme : la résilience climatique.
camille gauthier écologue elan
3 500 victimes, 13.5 millions de personnes déplacées, plus de 140 milliards de dollars de pertes économiques : c’est le coût évalué par l’ONG britannique Christian Aid des 10 épisodes extrêmes les plus coûteux de l’année 2020, liés au réchauffement climatique. Face aux nouvelles réalités climatiques et à des impacts de plus en plus perceptibles, une notion s’impose pour qualifier la capacité des territoires à continuer de fonctionner indépendamment de perturbations et en s’adaptant dès à présent aux évolutions irréversibles de long terme : la résilience climatique. Sans renier les perspectives, a priori anxiogènes, anticipées par les scientifiques, elle propose des clés pour concevoir un avenir vivable et désirable : connaître et réduire ses vulnérabilités, apprendre à réagir à des phénomènes inconnus, appliquer des principes de continuité, de redondance ou encore de sobriété. Comment mettre en œuvre cette notion et développer une stratégie de résilience méthodique et opérationnelle à l’échelle de projets immobiliers ? Eclairage de Camille Gautier, Innovation leader chez Elan.  

Elan, conseil en immobilier responsable, a pris depuis plusieurs années le virage de la résilience urbaine et accompagne des acteurs de l’immobilier dans la prise en compte de l’impact du changement climatique dans leurs projets. Quelles ont été vos motivations ?

Sécheresses, tempêtes, vagues de chaleurs, inondations : le nombre d’aléas climatiques et de catastrophes naturelles a été multiplié par 50 en un siècle et leur fréquence et leur intensité devraient continuer de croître, au regard des simulations climatiques. Nos façons de concevoir et de construire doivent évoluer pour prendre en compte cette réalité et anticiper ces évolutions futures. En effet, le secteur du bâtiment est à la fois en partie responsable du réchauffement climatique (il représente 26% des émissions nationales de gaz à effets de serre en France) et victime de ses effets. Intensifier les usages des lieux pour optimiser l’existant, anticiper en amont la flexibilité et la réversibilité des ouvrages, favoriser les mobilités actives, limiter les consommations en exploitation, intégrer la biodiversité et les principes de l’économie circulaire : tous ces leviers peuvent contribuer à décarboner les projets, en limitant les émissions de gaz à effet de serre. Mais pour œuvrer en faveur de projets résilients, cette stratégie d’atténuation doit se coupler avec une stratégie d’adaptation, avec pour objectif de réduire l’impact des aléas liés au changement climatique.

Quelle méthodologie avez-vous développé pour mettre en place cette stratégie d’adaptation ?

La méthodologie que nous avons développée vise à définir la vulnérabilité d’un actif face aux risques climatiques, puis à identifier les préconisations aidant à s’en prémunir dans une stratégie de résilience adaptée au projet. Lors d’une première phase de diagnostic, nous identifions les aléas climatiques qui peuvent impacter le site d’étude et réalisons un état des lieux technique du bâtiment (ou une analyse du dossier de conception, s’il s’agit d’un bâtiment neuf ou à rénover). L’approche est décomposée par types d’espaces : bâtimentaires, réseaux et espaces d’usage. De cette façon, l’analyse peut porter à la fois sur des éléments relatifs au confort des usagers et à la performance du bâtiment, par exemple. Le croisement entre analyse des aléas climatiques et conception technique permet d’établir un niveau de criticité du risque propre au bâtiment étudié, puis d’évaluer les coûts de l’inaction (réparation des dégâts et perte potentielle de loyer).     La seconde phase de la méthodologie vise à bâtir une stratégie d’adaptation pour l’immobilier. Nous définissons des préconisations pour remédier aux différents risques identifiés, en précisant un horizon temporel de mise en œuvre de la préconisation, un niveau d’investissement et le niveau d’impact de la préconisation sur les risques qu’elle adresse. A partir de l’analyse des risques, des préconisations et des coûts qui y sont associés, nous établissons ensuite l’impact de la stratégie sur la valeur vénale et locative de l’actif. Cette approche financière est réalisée avec un partenaire, à partir de différents scénarios d’adaptation au changement climatique et jusqu’à l’horizon 2050.

Cette méthodologie a-t-elle été éprouvée sur le terrain ?

Nous avons mis en œuvre cette méthodologie pour le compte de deux clients investisseurs sur 7 immeubles de bureaux. L’objectif était d’anticiper les dégradations potentielles imputables aux impacts du changement climatique tout au long de la vie des bâtiments et d’estimer les coûts financiers des réparations. Les enjeux sont la perte locative, l’obsolescence accrue, la non-conformité à la règlementation, et donc un fort risque de dévalorisation de leurs actifs.  C’est pourquoi nous parlons de revalorisation financière de patrimoine. Nos clients ont été convaincus et envisagent désormais d’appliquer cette méthodologie dans le cadre de toutes leurs futures acquisitions afin de prendre en compte dès le début le risque climatique dans leurs CAPEX.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Dans le cadre de notre recherche d’amélioration constante de l’outil, nous travaillons avec une start-up partenaire spécialisée dans la collecte et la modélisation de données climatiques, capable d’anticiper l’évolution du climat sur des horizons temporels longs (jusqu’à 2050). Cela nous permet de réaliser des projections plus précises qu’en utilisant les données publiques de Météo France. Nous avons également plusieurs perspectives de développement. La première serait de travailler sur les échelles en transposant cette méthodologie au développement de projets urbains, et non plus à l’échelle d’un bâtiment. La seconde serait d’adopter une vision plus globale de la résilience urbaine et territoriale en intégrant les enjeux sociaux, sécuritaires, d’eau, de biodiversité, d’alimentation ou encore de santé et en prenant en compte leur caractère systémique.