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Chantiers du Grand Paris : revaloriser les terres excavées

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Dans un contexte d’épuisement des ressources comme le sable, et de saturation des sites d’enfouissement en Île-De-France, et en raison des volumes extraits pour ces travaux, il est apparu très intéressant de pouvoir réutiliser les terres extraites pour de nouvelles constructions.
Porté par Laure ABDUL, docteur ingénieure matériaux, le béton de marinage est un projet de recherche mené au sein du Pôle Ingénierie des Matériaux, pôle d’expertise de Bouygues Construction/Bouygues Travaux Publics. Ce projet a pour objectif de réutiliser les terres excavées en tant que sable dans le béton. Pouvez-vous nous expliquer comment ce projet est né ? Dans le cadre du partenariat de Bouygues Construction avec BASF, acteur chimique allemand, nous avions commencé par étudier les modifications des sols extraits au moment du creusement par tunnelier. Ces sols reçoivent en effet un agent de conditionnement chimique particulier, comme des mousses injectées par exemple, qui sont nécessaires à l’avancement du tunnelier. Dans le but de bien sélectionner ces produits, nous devions connaître les modifications des propriétés des terres excavées apportées par ces derniers, à court et long termes. Après une période de plusieurs jours, aucun impact significatif n’avait été relevé sur les sols. Début 2016, les travaux du Grand Paris approchant, nous nous sommes ensuite demandés comment nous pouvions réutiliser ces terres excavées, communément appelées marinages ou spoil en anglais. En effet, dans un contexte d’épuisement des ressources comme le sable, et de saturation des sites d’enfouissement en Île-De-France, et en raison des volumes extraits pour ces travaux, il est apparu très intéressant de pouvoir réutiliser les terres extraites pour de nouvelles constructions. Depuis deux ans environ, le PIM mène des recherches pour lever les verrous et permettre la réutilisation des marinages dans le béton. Quels sont-ils ? Il faut comprendre qu’il existe plusieurs types de terres excavées, et surtout plusieurs types de sables. Pour un sable standard, qu’il ait reçu un agent de conditionnement ou pas, la réutilisation ne pose pas de problème particulier car les performances ne sont pas impactées. En revanche, en Ile-de-France, le sable de Beauchamp est très présent, notamment au niveau des travaux de la ligne 14 et dans le nord ; et ce sable a la particularité d’être chargé en argile, ce qui le rend très absorbant, et peut avoir un réel impact sur ses propriétés. L’agent de conditionnement n’est pas le problème, c’est la teneur en argile. En 2017, nous avons réalisé que Colas utilisait un adjuvant bloquant pour l’argile, appelé MasterSuna et fabriqué par notre partenaire BASF pour traiter le sable concassé de certaines de leurs carrières. Nous avons alors commencé à rechercher si nous pouvions l’utiliser sur le sable de Beauchamp pour pouvoir fabriquer du béton aux bonnes propriétés. Deux campagnes d’expériences sont menées cette année dans l’objectif de définir le dosage optimal d’adjuvant à utiliser en fonction de la quantité d’argile présente. La consistance du béton frais est testée pour vérifier qu’elle permet la mise en place sur chantier durant 1h30 après fabrication. L’état du béton durci est également testé pour mesurer les propriétés mécaniques, mais également les variations dimensionnelles, la durabilité et la prise. Des tests accélérés existent et durent environ trois mois. La première campagne n’était pas complètement satisfaisante. Les propriétés mécaniques de l’état durci étaient conformes au béton de référence, mais le maintien de la consistance de l’état frais posait problème. Suite à ses recherches en étroite collaboration avec BASF, une nouvelle version de l’adjuvant sortira en 2019. Etant donné les propriétés mécaniques obtenues, ce béton pourrait avoir tout type d’usages. En plus de ces travaux de recherche sur le matériau en lui-même, rencontrez-vous d’autres problèmes liés au déploiement du béton de marinage ? En plus des propriétés du matériau en lui-même, la logistique chantier est également un sujet car il y a une vraie problématique de stockage. En région parisienne, les chantiers ont peu de place pour le stockage à proximité. On pourrait imaginer utiliser ce sable sur les chantiers des gares aux alentours, on peut aussi imaginer que ce sable soit utilisé pour des éléments préfabriqués en usine et qui seront ensuite amenés sur d’autres chantiers. C’est une vraie logique d’économie de ressources. Investiguer les différentes manières de revaloriser le béton de marinage fait partie des prochaines étapes du projet. Notre participation au concours de l’innovation avait aussi pour objectif de faire connaître le projet au sein du Groupe dans le but de peut-être accueillir des nouveaux partenaires et des nouvelles compétences autour de la logistique par exemple.