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L’hydrogène, vecteur de flexibilité énergétique en 2040

3 minutes de lecture
Quelle vision durable de l’énergie pour 2040, et comment l’hydrogène peut y participer ? Le point de vue de Caroline Mazzoleni, directrice adjointe Hydrogène et Smart Energies de Bouygues Energies & Services.

Comment se projeter vers l’avenir face aux problématiques énergétiques d’aujourd’hui ?

Caroline Mazzoleni (C. M.) – Chaque année, nous battons des records en termes de production d’énergies renouvelables : de plus en plus d’actifs solaires et éoliens entrent notamment en fonctionnement. La limite est aujourd’hui le plus souvent constituée par le manque d’espace et de foncier. Mais à travers différentes innovations comme le photovoltaïque flottant, l’utilisation d’anciennes carrières, l’agrivoltaïque (combinaison de production agricole et d’énergie photovoltaïque), ou encore l’éolien offshore sur lequel Bouygues Construction a une expertise intéressante, on peut encore amplifier la production d’énergies renouvelables. Toutefois, ces énergies étant intermittentes, on se trouvera de plus en plus confrontés à la problématique de trouver des exutoires, plus diversifiés que la production d’énergie primaire. Que fait-on en période de pointe de production d’énergie renouvelable, par exemple en été quand il y a du soleil, mais que la demande d’énergie est faible ? Ma vision, c’est qu’on produise alors de l’hydrogène à proximité des actifs de production, par électrolyse, afin de stocker cette énergie pour plus tard ou de la transporter, pour l’utiliser tant pour l’activité industrielle que pour la mobilité.

Au sujet de la mobilité justement, quelle est votre vision prospective souhaitable pour 2040 ?

C. M. – La mobilité en 2040, pour moi, se sera affranchie entièrement des énergies fossiles. Pour ne plus utiliser ni pétrole, ni charbon, ni gaz, et ainsi réduire l’impact carbone de la mobilité, il faut revoir nos modes de déplacements, développer la mobilité douce et utiliser l’énergie électrique, de source décarbonnée ! Toutefois, il est inenvisageable tout miser sur les véhicules électriques à batterie : même avec une diminution des déplacements, les véhicules électriques à batterie seront limités par l’infrastructure réseau et les capacités de recharge des véhicules, rapidement saturées. Pour moi, l’électrique sur batterie convient parfaitement aux véhicules légers, comme les vélos à assistance électrique, les trottinettes ou les voitures, mais bien moins aux modes lourds. C’est là que l’hydrogène devient un outil de stockage de l’énergie verte intéressant : les véhicules à hydrogène sont électriques, mais la source d’alimentation prend la forme d’un réservoir d’hydrogène qui alimente une pile à hydrogène pour alimenter le moteur électrique. Cet hydrogène peut être produit par électrolyse à partir d’eau, à proximité des lieux de production d’énergie renouvelable, dès que de l’énergie excédentaire est disponible. Il peut aussi être transporté à moindre coût en réutilisant les réseaux de gaz naturel qui trouveront là une seconde vie ou via des logistiques dédiées. Sans hydrogène, on perdrait l’énergie en surplus produite pendant les pics de production, et le foncier alors mobilisé ne serait pas exploité à son plein potentiel…
L’hydrogène est un vecteur de flexibilité énergétique dans un monde basé sur les énergies renouvelables.

Comment procéder pour atteindre cet objectif en 2040 ?

C. M. – Pour y parvenir, il faut d’une part augmenter nos capacités de production d’énergies renouvelables : l’objectif n’est pas de défigurer nos paysages, il faut donc innover pour trouver le foncier recherché. Il faut par ailleurs améliorer les rendements de la production et de l’utilisation de l’hydrogène. On a aujourd’hui un ratio de 50 à 60 kWh d’électricité nécessaire pour produire 1kg d’hydrogène, lui-même restituant environ 16kWh avec les piles à combustible actuelles. Le rendement est en effet de l’ordre de 70% pour l’électrolyse et de 50% sur la pile à hydrogène. A ce stade, cela est intéressant pour utiliser de l’électricité qui serait autrement perdue, mais c’est moins intéressant s’il s’agit de remplacer d’autres usages de cette même énergie, qui comporteraient moins de déperditions. De nombreux chercheurs planchent donc sur l’amélioration de ces rendements, notamment en France et en Europe. Il y a enfin une difficulté d’ordre économique. Tant que cette technologie est émergente, le coût de production de l’hydrogène reste important, comme celui des panneaux photovoltaïques il y a vingt ans de cela. Pour lancer la dynamique, comme sur les énergies renouvelables, il faut des subventions et des investissements publics.

Sommes-nous prêts pour ces évolutions ?

C. M. – Chez Bouygues Energies & Services, nos technologies sont déjà suffisamment matures pour être utilisées à un niveau industriel. Par ailleurs, il existe aujourd’hui des véhicules à hydrogène qui circulent déjà sur la route : la mobilité à hydrogène est en bonne voie ! Des acteurs coréens et japonais proposent des voitures à hydrogène, certains autres constructeurs se lancent dans la production de poids lourds à hydrogène, et un acteur français produit déjà des autobus et autocars capables de rouler ! Il ne manque qu’une offre sur catalogue. Je suis convaincue que l’hydrogène est un accélérateur de la transition énergétique. Tous les exemples que nous connaissons fonctionnent ! C’est aussi un vecteur économique local pour les territoires. Par exemple, certains territoires qui produisent de l’électricité renouvelable à travers le traitement des déchets, pourraient transformer cette énergie en hydrogène, puis l’utiliser comme carburant vert pour les véhicules de collecte de déchets. C’est une boucle vertueuse, qui contribue à l’économie circulaire, centrée sur des écosystèmes locaux. On peut profiter de cette opportunité pour relocaliser l’énergie, éviter les transports inutiles, et créer de véritables hubs territoriaux.