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Où en est le « Mobility As A Service » ?

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Bus, métros, tramways, voitures en autopartage ou en location courte durée, covoiturage, services de VTC, vélos, scooters et autres trottinettes en libre-service, avec station ou non : avec la multiplication des formes de mobilité, les habitants des grandes métropoles n’ont jamais eu autant de moyens de déplacement à leur disposition
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Une offre pléthorique qui permet à la multi-modalité de gagner du terrain dans les pratiques de mobilité. En 2017, dans l’Observatoire des mobilités émergentes (étude réalisée par L’ObSoCo et Chronos), 29% des Français déclaraient arbitrer entre plusieurs modes de transport selon les circonstances. Un gain de huit points par rapport à la version précédente de l’étude, réalisée deux ans auparavant. Ces pratiques en progression marquent également un début de repli du modèle ultra-dominant du véhicule personnel. Selon L’Observatoire des mobilités partagées et de la multimodalité 2019 (étude réalisée par IFOP pour Sixt), 32% des Français seraient prêts à renoncer à leur véhicule personnel au profit des mobilités partagées. Mais pour réellement passer le cap, diverses questions restent à résoudre.  

Concevoir la mobilité comme un service à l’usager : un changement de paradigme

La prolifération d’opérateurs et d’offres de mobilités alternatives s’accompagne d’un lot de problèmes qui génèrent régulièrement des bras de fer entre municipalités et opérateurs : conflits d’usages liés au stationnement anarchique des trottinettes électriques, coût écologique des modèles électriques nécessitant des batteries ou encore, augmentation du nombre de véhicules en circulation liée aux plateformes de VTC, qui alimente la congestion, etc. L’usager, lui, se retrouve noyé dans la diversité d’offres disponibles et contraint de jongler entre la multitude d’applications dédiées aux transports qui envahissent son smartphone. D’où l’enjeu de concevoir la mobilité comme un service permettant d’aller d’un point A à un point B en choisissant entre les moyens de transports disponibles pour un trajet le plus rapide, économique et vertueux possible. Un doux rêve qui prend le nom de « Mobility As A Service » (MaaS), une plateforme qui réunirait l’ensemble des offres de mobilité, qu’il s’agisse de transports publics ou de services privés, intégrant l’information trafic en temps réel et accompagnant le voyageur de la planification de son trajet au paiement de son titre de transport.mobilité service transport Le concept vient de Finlande, où la startup Whim opère un système de MaaS  à Helsinki depuis 2017. Une seule et même application permet de prévoir son trajet, payer son bus, son vélo partagé, son taxi ou sa voiture de location. Une commodité et un confort qui ont un coût : 500 euros mensuels pour accéder de façon illimitée à tous les moyens de transport. Au risque de favoriser des modes de transport motorisés et individuels ? Loin d’un des objectifs affichés du MaaS : organiser l’offre pour réduire les congestions et les pollutions générées par les transports dans l’espace urbain.

Les acteurs à la conquête du MaaS

Autorité organisatrice de transport, start-up, opérateur de transport, géant du numérique : tous ces acteurs œuvrent activement à la recherche d’un modèle économique viable pour opérer le MaaS. Mulhouse Alsace Agglomération a lancé en septembre 2018 un compte mobilité en partenariat avec l’opérateur Transdev qui permet aux usagers d’accéder à toute l’offre de transport disponible (transports en commun, parkings, vélos en libre-service, autopartage) en ne payant en fin de mois que les services réellement consommés (avec possibilité de se fixer un budget et de recevoir une notification en cas de dépassement). En région parisienne, Ile-de-France Mobilités prend aussi le train du Maas avec pour date butoir les Jeux Olympiques de 2024. Une application pilote est déjà en test, parmi plusieurs expérimentations prévues. La nouvelle application mobile de la SNCF, l’Assistant, propose des services de mobilité en partance ou en direction d’une gare (calcul d’itinéraire tenant compte des aléas de circulation, réservation et paiement d’un VTC ou d’un taxi, achat et validation de tickets de transport public). Mappy, pour sa part, se présente comme «l’assistant de tous les modes de déplacement, toutes distances, partout en France ». Les opérateurs de VTC affichent également leurs ambitions : devenir des entreprises de Mobility As a Service. A Paris, l’application Uber géolocalise désormais les trottinettes et vélos en libre-service à proximité des VTC.  En 2018, Lyft expérimentait pendant 1 mois un programme « Ditch your car » dans 35 villes  américaines en versant jusqu’à 500 dollars de crédits en VTC, vélos et transports publics à 2 000 personnes à condition qu’elles passent par l’application Lyft et cessent d’utiliser leur véhicule personnel. La  liste ne fait que s’allonger et témoigne du foisonnement d’offres de MaaS. Pourtant, selon deux consultants au Boston Consulting Group (BCG), aucune proposition de valeur complète n’a encore vu le jour : « La plupart des plateformes de MaaS existantes se contentent de juxtaposer des offres de mobilité et de revendre des titres de transport unitaires aux voyageurs, moyennant une commission prélevée aux opérateurs. »

A la recherche d’une gouvernance : l’enjeu de la data

Il reste donc à trouver une gouvernance pour coordonner ces efforts et ces acteurs et les mettre au service d’une mobilité plus fluide et plus raisonnée. Toujours selon les consultants du BCG, seule la puissance publique a réellement les moyens d’inciter les usagers à utiliser les modes de déplacement les plus vertueux. Mais réduire la part de la voiture, optimiser les mobilités actives et lisser la fréquentation des transports publics nécessite une vraie précision qui ne peut être apportée que par une exploitation fine de la donnée. Un accès à la data qui suscite des convoitises, mais aussi des inquiétudes pour certains acteurs. En Finlande, la loi oblige les autorités organisatrices à ouvrir leurs données et outils de billettiques aux acteurs privés. Un tournant contre lequel met en garde Marie-Claude Dupuis, directrice stratégie, innovation et développement du groupe RATP, citée par les Echos : « Si un grand acteur numérique réussit à avoir la main sur les outils de billettiques, comme le Pass Navigo, il pourra aussi prendre la main sur la relation client. » Conscientes des enjeux, les collectivités se mobilisent, à l’image de la Ville d’Issy-les-Moulineaux qui propose à travers son programme So Mobility de mettre la data et les technologies de la smart city au service de la fluidification des déplacements en ville. Ou encore, de Mulhouse Alsace Agglomération, qui pourra s’appuyer sur la connaissance fine des pratiques de déplacement liées au Compte Mobilité pour optimiser son plan de mobilité.