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La robotique : déjà une réalité sur tous les chantiers ?

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Si l’intérêt des robots sur les chantiers n’est plus à démontrer, de nombreux challenges restent toutefois à relever pour démultiplier leur usage : accessibilité des machines par les ouvriers (compagnons), amélioration de l’interaction homme / machine, autonomie des robots, équilibre financier… Une équation complexe que le secteur de la construction doit encore solutionner pour faire de la robotique le véritable allié des chantiers et des compagnons. Explications.
robotique sur chantier
On pourrait croire qu’à l’heure du tout digital et de l’informatique à outrance, la robotique pourrait elle aussi s’imposer comme une évidence partout, y compris dans le secteur du BTP. Pour autant, « la robotique et la construction sont deux mondes qui n’ont pas l’habitude de communiquer, explique Laure Ducoulombier, responsable du pôle R&D Design Lab chez Bouygues Construction. Deux disciplines qui se connaissent peu et qui possèdent des habitudes, des contraintes et des langages différents. Raison pour laquelle, même si un apprivoisement mutuel est en cours, il reste aujourd’hui un long chemin à parcourir pour voir apparaître des robots sur tous les chantiers. »

Chantier de travaux publics : actuellement le terrain le plus propice à la robotique et à l’automatisation

En 2020, différents types de robots ont été développés et utilisés sur les chantiers français et internationaux de Bouygues Construction. « La robotique est davantage utilisée sur les gros chantiers de Travaux Publics (TP), car il s’agit de marchés plus importants en matière de volume, de charge et de budget, explique à son tour Philippe Richard, directeur R&D pôle ergonomie, productivité et équipements de chantier. Leurs usages varient. Il s’agit à la fois d’augmenter la productivité et l’efficacité sur les chantiers, mais aussi de réduire la pénibilité de certaines actions à faible valeur ajoutée lorsqu’elles sont réalisées par l’homme. Des actions qui sont souvent dangereuses voire à l’origine de Troubles Musculo-Squelettiques (TMS). »
un robot dans un tunnel

Développé par Bouygues Travaux Publics, le robot Roby 850 limite le travail en hauteur et facilite l’installation des équipements des tunnels grâce à un percement des parois et à une fixation d’ancrages automatisés.

Des robots en première ligne dans les tunneliers

Les tunneliers – même s’ils sont le lieu de travail de beaucoup d’hommes – sont de plus en plus robotisés. En particulier pour réaliser les changements de molettes situées à l’avant de ces cylindres géants. « Les molettes, ce sont des outils d’environ 200 kg qui servent à abattre le terrain. Leur remplacement est une tâche très pénible pour l’homme. Pour cause, entre la face avant du tunnelier et le terrain à creuser, c’est non seulement exigu mais aussi sous pression pour éviter que le terrain ne s’effondre », souligne Christophe Portenseigne, directeur Technique et directeur R&D chez Bouygues Travaux Publics. Et l’intérêt de la robotique dans les tunneliers ne s’arrête pas là ! Avec Bouygues Construction, ils ont également un rôle de prévention et d’analyse, à l’image du robot « Snake » (ou Tunnel Boring Machine Inspection Arm) développé en 2012 pour un tunnel à Miami. « Grâce à sa petite taille, il se glisse facilement à l’avant du tunnelier pour inspecter l’état de toutes les molettes d’abattage. On sait ainsi facilement et exactement celles qui doivent être changées et programmer les interventions de maintenance nécessaires. »

Un robot complètement autonome est à l’essai dans certains tunneliers

Lorsqu’un tunnelier avance, des anneaux préfabriqués en béton doivent être installés pour soutenir le terrain et réaliser le revêtement définitif du tunnel. Du fait de leur taille et de leur poids, les anneaux sont divisés en plusieurs morceaux – les voussoirs – qui restent très lourds nécessitant une grande précision pour leur installation. Pour les manipuler, les équipes de Bouygues Construction utilisaient jusqu’alors des outils permettant le pilotage à courte distance par joystick, entre autres. Pour réduire le nombre de personnes dans cette zone dangereuse et augmenter l’efficacité en matière de positionnement de l’anneau, Bouygues Construction a développé un robot autonome. Traduction : un robot capable d’aller chercher par lui-même chaque voussoir d’un anneau – amenés par train sous-terrain – et de le positionner au bon endroit.

L’automatisation : une solution sécuritaire et performante pour les grutiers

Bouygues Construction travaille également à l’élaboration d’assistants spécifiquement conçus pour les grutiers. Objectif : faciliter la conduite d’une grue et augmenter le champ visuel des grutiers, alerter sur la présence d’un ouvrier à proximité de la charge transportée par la grue ou encore, automatiser certaines activités de la grue. Un système (Automatic Rotation Control) a d’ores et déjà été breveté : il permettrait à une grue arrêtée (en girouette) de se mettre automatiquement en dehors des zones de travail des autres grues encore en mouvement. « Cette automatisation va permettre de libérer les grutiers. Ces derniers sont actuellement contraints de rester à l’intérieur de leur grue lorsqu’elle est arrêtée, pour veiller à ce qu’elle ne soit pas dans la zone de travail d’une autre grue. »
grue pilotée à distance

Le pilotage d’une grue à distance, un projet en expérimentation chez Bouygues Construction.

Chantiers de bâtiment : un déploiement de robots sous conditions

Pour les chantiers de bâtiment, l’intervention de la robotique est plus compliquée. En cause, le coût et la place qu’ils nécessitent. « Pour que ce soit supportable financièrement, un robot doit être polyvalent de sorte à être utilisable sur plusieurs chantiers. De plus, les chantiers du bâtiment sont limités en matière d’espace alors que les robots en demandent beaucoup. Cela impose de mettre en place une cohabitation réellement efficace entre les robots et les humains. » Une nécessité à laquelle répond une nouvelle génération de robots baptisée des « cobots » : des robots collaboratifs capables d’œuvrer dans un espace partagé avec les hommes et d’avoir avec eux une interaction directe. « Les cobots sont plus sécurisants pour les ouvriers. Par exemple, certains sont programmés pour ralentir leurs mouvements dès qu’ils sont à proximité d’un individu. Cela évite la contrainte de devoir les enfermer dans des cages de protection lorsqu’ils sont composés d’une extrémité tranchante. »
impression 3D dans le bâtiment

A Nantes, Bouygues Bâtiment Grand Ouest a construit Yhnova avec ses partenaires : l’université de Nantes, des enseignants-chercheurs des laboratoires LS2N et GeM implantés à l’IUT de Nantes et l’IUT de Saint-Nazaire, TICA architecture. Yhnova est imprimé en 3D en quelques jours, et 1er logement habité de ce type au monde.

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Ce qu’en dit l’expert : quel est l’avenir de la robotique dans le secteur du bâtiment ?

« Au vu de la diversité des tâches et des situations sur les chantiers, l’intelligence et les prises de décisions devraient rester à la charge des compagnons. Tandis que les activités pénibles seront exécutées par les robots. Toutefois, pour qu’un robot ou un cobot soit utilisable sur un chantier, l’interface homme-machine doit être compréhensible par tous. C’est un vrai défi : nous devons donc à la fois poursuivre le développement de machines qui nous aident à digitaliser et industrialiser les chantiers, mais aussi trouver comment les intégrer efficacement parmi les humains. On sait d’ores et déjà que les interfaces doivent être aussi intuitives qu’un smartphone. Elles doivent être les plus universelles et versatiles possibles, afin de faciliter leur utilisation et d’éviter aux ouvriers de devoir acquérir de nouvelles habilitations d’usage. Il faut également trouver une solution technico-économique fiable. Nous imprimons par exemple aujourd’hui des éléments de bâtiments grâce à des imprimantes 3D, mais cela coûte deux à quatre fois plus cher qu’une construction classique, souligne Laure Ducoulombier, responsable du pôle R&D Design Lab chez Bouygues Construction. Cependant cela mérite réflexion, car l’avantage technique est bel et bien réel : grâce à une imprimante 3D on peut créer des éléments en béton avec des formes extrêmement compliquées, qui ne peuvent être réalisées de manière traditionnelle. » – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – Autre critère d’amélioration en cours : « les robots peinent encore à se repérer dans les bâtiments en construction, explique Philippe Richard. On leur intègre des cartographies complètes, mais les chantiers par définition évoluent constamment en matière de surface, de hauteur… De même, entre ce qui est prévu et la réalité il y a toujours une certaine différence, ce qui peut nuire au travail des robots. Aujourd’hui, même s’ils ont une réelle valeur ajoutée, les robots ne possèdent pas encore l’adaptation et le raisonnement logique que possèdent les compagnons sur un chantier. Tout l’enjeu est donc de travailler sur cette autonomie. »