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Rafraîchir la ville

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Les zones urbanisées souffrent de plus en plus lors des pics de chaleur. Il faut rafraîchir la ville, mais comment faire ? Petit tour des solutions basées sur la nature ou applicables au bâti construit, et qui permettent de créer localement des îlots de fraicheurs devenus indispensables.
Les canicules et les vagues de chaleur sont de plus en plus fréquentes à mesure que le réchauffement climatique s’accentue : les huit années les plus chaudes de l’Histoire ont toutes été enregistrées depuis 2015. Elles sont également plus intenses et durent plus longtemps. En parallèle, l’urbanisation galopante de ces dernières décennies a entraîné une artificialisation et donc une imperméabilisation massive des sols. De ces deux phénomènes couplés découlent des conséquences en milieu urbain : les îlots de chaleur urbain – ou ICU – qui font suffoquer les villes.  

Plus c’est imperméable, plus c’est chaud

A présent bien documentés car devenus récurrents, les îlots de chaleur urbain désignent l’élévation des températures en milieu urbain par rapport aux zones périphériques et naturelles. La température peut être supérieure de 10 à 15 degrés localement entre un ICU et la campagne environnante. Ces phénomènes de micro climat urbains sont constatés le jour bien entendu lorsque le soleil est à son plus fort, mais aussi et voire même surtout la nuit. En effet, la chaleur emmagasinée la journée dans la pierre, la brique, l’asphalte ou le béton, et tous les matériaux des villes captant facilement la chaleur, est libérée la nuit dans l’atmosphère. Ce qui empêche les températures de retomber. La cause principale des ICU est le remplacement des sols naturels, végétalisés et donc perméables, par des bâtiments et des revêtements imperméables qui stockent la chaleur. “Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la pollution ne joue quasiment aucun rôle dans l’apparition des îlots de chaleur urbains, souligne Valéry Masson, ingénieure Météo France au Centre national de recherches météorologiques. Ils sont bien davantage dus à la concentration des bâtiments et à l’imperméabilisation des surfaces.” La densité de bâti construit de nos villes (immeubles, places pavées, rues, parkings…) augmente considérablement la surface d’échange, donc de captation et de restitution de chaleur, par rapport à un milieu peu construit. Le tout renforcé par les activités anthropiques génératrices de chaleur (engins motorisés, climatiseurs…).  

Légende : Ville de Strasbourg exploitation d’une image satellite Landsat / Crédits : ICU credits Note de l’ADEUS 140 Environnement novembre 2014

  De nombreuses études montrent que les surfaces imperméables jouent un rôle prépondérant dans l’intensité d’un ICU. Au-delà de l’inconfort, cela entraîne des risques sanitaires, en particulier pour les populations les plus fragiles, les seniors, les enfants, ainsi qu’une augmentation de la consommation d’énergie avec l’utilisation de plus en plus massive de la climatisation, qui rappelons-le rejette de la chaleur à l’extérieur pour rafraîchir l’intérieur.  

Apporter de la fraîcheur en ville

Pour limiter les ICU amenés à se multiplier dans les années à venir et faire baisser les températures tant diurnes que nocturnes, il faut créer ce qu’on appelle par opposition des îlots de fraîcheur : des lieux rafraîchis, des espaces aménagés ouverts au public et repérés comme source de rafraîchissement au sein de villes par rapport à leur environnement proche en période chaude ou caniculaire. Certains de ces lieux, comme les parcs ou les espaces végétalisés, existent déjà. Mais les mairies et métropoles doivent les densifier et les multiplier. Ce sont des solutions dites vertes et fondées sur la nature. Les îlots de fraîcheur peuvent également être aménagés à partir d’infrastructures urbaines, ou encore en adaptant les bâtiments accessibles au public afin qu’ils soient plus frais (musées, bibliothèques…) : ce sont des solutions dites grises d’adaptations des infrastructures de la ville. Les zones arborées, les parcs, ou les surfaces en eau maintiennent des températures plus fraîches au sein des villes. D’où l’importance de végétaliser et de développer l’accès aux points d’eau, axes majeurs de la création d’îlots de fraîcheur.  

Plus de place pour la nature 

La végétation joue un rôle primordial pour rafraîchir les villes. C’est même l’action la plus efficace et pérenne à mettre en place. Les arbres, les haies, les arbustes et toute surface végétalisée vont à la fois absorber une grande quantité d’énergie solaire, apporter de l’ombre et favoriser l’évapotranspiration (cumul de la transpiration des plantes et de l’évaporation de l’eau présente dans le sol) qui rafraîchit l’air. L’INRAE parle d’un impact significatif sur le bilan thermique de l’atmosphère environnante, et a mesuré un écart de températures de 7 degrés en moins avec des arbres. Une autre étude a montré que les arbres pouvaient réduire la température des villes jusqu’à 10 °C en été.   Bien entendu, un parc ou un espace vert ne se crée pas facilement en zone urbaine. Le principe de l’îlot de fraîcheur est donc plutôt de renaturer très localement un espace en y implantant des arbres et de la végétation, comme sur une place minéralisée par exemple. Mieux vaut implanter plusieurs îlots disséminés dans la ville qu’une forêt urbaine seule. On peut également penser aux toitures ou murs végétalisés qui vont améliorer le confort dans les bâtiments en réduisant la température de surface des murs. Un point de vigilance sera celui de bien sélectionner les espèces et variétés en fonction de leur résistance au changement climatique.     Par ailleurs, renaturer la ville permet de rendre les sols plus perméables en les désartificialisant. C’est un point essentiel pour limiter les pics de chaleur. Par le biais de zones végétalisées en pleine terre (création de surfaces en herbe, de noues, de bassins d’infiltration, de sols en graviers), l’eau cessera de ruisseler sur l’asphalte, et pénètrera dans le sol pour ensuite s’évaporer et créer de la fraîcheur. Les étendues d’eau, fleuves, rivières, ruisseaux, étangs, lacs, déjà présents dans les villes participent également à la régulation thermique des villes et rafraîchissent localement de manière très efficace. Lorsque cela est possible, les collectivités locales doivent profiter de ces atouts, les aménager, et densifier les îlots de fraicheurs aux abords de ces eaux de surface. Multiplier les points d’eau plus ponctuels comme les fontaines d’eau potable, les brumisateurs ou jets permettent également de faire baisser les températures.  

Des solutions basées sur les infrastructures de la ville

L’ajout de mobilier urbain en vue de de rafraîchir un lieu est un levier que les collectivités locales peuvent facilement activer. Implanter par exemple des points d’eau tout en installant des voiles ou ombrières et des bancs, voire des bacs végétalisés, est un moyen facilement déployable et efficace pour lutter contre des températures élevées. L’utilisation de matériaux ou de revêtements réfléchissants est également une solution à étudier. En effet, les matériaux clairs ou la peinture blanche sont des revêtements à albedo élevé, c’est-à-dire qu’ils ont un fort pouvoir réfléchissant (l’albédo étant l’indice de réfléchissement d’une surface). Tout le contraire de l’asphalte, du béton ou des toits en ardoise qui absorbent les rayons, accumulent et émettent de la chaleur. Les gains de températures peuvent être importants. L’Ademe nous apprend qu’à Athènes, la température a été abaissée de 4°C en passant d’un revêtement foncé asphalté (albedo 0,04) à un revêtement blanc (albedo 0,55) pour les sols. La ville de Milan a également travaillé en ce sens pour ses espaces publics, tout comme Los Angeles. Cette technique fonctionne également sur les toitures exposées au soleil, ce qui permet d’améliorer le confort thermique à l’intérieur du bâtiment et de limiter les besoins en rafraîchissement. C’est ce qu’on appelle le coolroofing. Cette technique est largement répandue aux Etats-Unis. La ville de New York compte ainsi déjà plus de 850 000 m² de toits peints en blanc. Vous avez ici une bonne base pour créer un îlot de fraîcheur au sein d’un bâtiment. Il faut y ajouter l’installation systématique de volets ou de stores, et évidemment si possible revoir ou parfaire l’isolation thermique de ces bâtiments. De manière plus globale – et donc certainement moins locale que la création d’îlots de fraîcheur – il faudrait repenser en partie l’organisation de l’espace urbain en s’inspirant de pratiques ancestrales et des villes méditerranéennes (rues orientées nord-sud et/ou étroites pour capter moins de rayonnements). Par exemple, l’orientation et l’espacement entre les bâtiments a une incidence sur la circulation de l’air, qui est un facteur de création d’un ICU. Une faible circulation d’air engendre une stagnation des masses ce qui risque d’intensifier l’ICU. Alors qu’une bonne circulation de l’air permet une meilleure ventilation du quartier et l’évacuation de la chaleur.  

Faciliter l’accès aux îlots de fraîcheur en ville 

Les mairies et métropoles doivent également travailler à bien communiquer sur les îlots de fraicheurs créés afin d’en faciliter l’accès. Ces lieux sont souvent implantés près de chez soi mais sans que les citoyens en aient connaissance. Carte intéractive, carte à télécharger, applications, sms de prévention des pics de chaleur… De nombreux outils existent pour communiquer en temps réel. Créer des îlots de fraîcheur en renaturant ou en installant du mobilier urbain dédié est un axe essentiel du développement des villes. L’information au public est la dernière brique de ce modèle, elle ne doit pas être négligée. Dans le cadre du du nouveau Plan Climat de Paris daté de 2018, l’agence parisienne du climat a précisément cartographié les îlots de chaleur de la capitale, et a même créé des parcours de fraîcheur afin de pouvoir continuer de se déplacer lors de fortes chaleurs. De très nombreuses métropoles ont de la même manière cartographié ces espaces de fraîcheur, informations que l’on retrouve généralement sur les outils (application et site) des collectivités locales.