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Rénovation énergétique, où en est-on ?

3 minutes de lecture
Composante structurante du marché de la construction, la rénovation énergétique devient un enjeu crucial pour la planète. Christian De Nacquard, directeur R&D et Innovation et performance énergétique chez Bouygues Bâtiment International, décrypte ce type d’opération.
réhabilitation
Crédits : Graphix Images   

Comment expliquer que la rénovation énergétique occupe désormais une place prépondérante au sein du marché de la construction, et dans quel objectif ?

Christian de Nacquard (C.D.N.) – Aujourd’hui, la performance énergétique des bâtiments est un enjeu crucial pour la planète. En effet, le secteur du bâtiment est actuellement, en France, le premier consommateur d’énergie (45% de la consommation nationale), devant les transports et l’industrie. Pour limiter son impact et atteindre les objectifs fixés par les Accords de Paris, la filière se doit d’atteindre en 2050 la neutralité carbone à l’échelle de l’Europe. Si les secteurs de l’industrie et de l’automobile ont déjà progressé en ce sens, le bâtiment est à la traîne. À titre d’exemple, actuellement en France, 200 000 logements sont à rénover, et à peu près 750 000 en Europe, selon les chiffres de Bouygues Bâtiment France Europe. Et c’est sans compter le tertiaire ! Or, au sein du parc de bâtiments français, seulement 2% de constructions neuves sont actuellement réalisées chaque année. Les 98% restant sont de l’existant. On ne peut se contenter d’améliorer la performance énergétique de seulement 2% du parc ! Afin de réduire notre impact significativement, il faut s’attaquer au stock déjà existant, via la rénovation.

Le gouvernement français accompagne-t-il ces changements ?

C.D.N. – L’Etat s’est saisi de la question et prend les choses en main, quoiqu’un peu tardivement, mais en proposant un réel accompagnement avec la mise en place de MaPrimeRénov’. En 2021, l’Etat français a mis en place toute une série de lois, corrélées à la loi Climat et résilience, pour accélérer le sujet de la rénovation. Avec en particulier deux méthodes : l’interdiction à la location des bâtiments dont l’étiquette énergétique est inférieure à E, F et G avec des dates d’application qui varient de 2025, 2028 et 2034 ; et le renforcement du diagnostic de performance énergétique, qui devient aujourd’hui opposable. Autrement dit, si le bien loué ou vendu n’est pas conforme à l’étiquette énergétique indiquée, le locataire ou le propriétaire peut se retourner contre le propriétaire et demander des compensations financières.
Environ 600 000 dossiers ont été validés fin 2021 depuis son lancement en 2020 ; MaPrimeRénov est reconduite en 2022.

Comment Bouygues Construction adapte-t-il ses offres bâtiments ?

C.D.N. – On travaille depuis maintenant trois ans sur une solution industrialisée de rénovation de logement, BYSprong. Celle-ci qui permet de passer d’un logement « passoire thermique » à un bâtiment dont le solde énergétique est positif, en quelques semaines de travaux. Pour l’instant, la solution n’a été développée que pour du logement individuel avec déjà plusieurs projets pilotes réussis et d’autres à venir. Il y a par exemple le siège du groupe Podeliha, signé l’année dernière, qui consiste en la rénovation de 32 logements avec notamment une toiture solaire et une enveloppe préfabriquée qui vient se plaquer sur l’existant en isolant toute la façade. Pour le logement, l’offre BYSprong s’appuie sur 7 briques qui correspondent à chaque problématique de ce type de bâti. Et cette année, nous développons le même concept mais cette fois-ci, à destination du tertiaire. Nous engageons une démarche avec l’ensemble des entités du groupe Bouygues Construction, pour pouvoir mettre en place les meilleures solutions industrialisées pour ce secteur, qui est beaucoup plus compliqué du fait de sa pluralité : hôpitaux, hôtels, bureaux, etc. Nous sommes donc en train de définir des typologies de bâtiments tertiaires pour pouvoir y adapter les meilleures solutions, afin de les rendre neutres en carbone.

Quels sont les leviers et les freins ?

C.D.N. – On fait face à plusieurs freins selon les différents profils de bâtiment. Lorsqu’il s’agit des logements collectifs, le problème se pose souvent au niveau de la réglementation incendie, qui nous empêche d’employer la solution BYSprong telle qu’elle a été conçue. Cela représente un véritable verrou pour proposer des solutions décarbonées. On doit donc y travailler avec le CSTB, les fournisseurs de matériaux et les industriels de la façade. En plus de cette contrainte, les copropriétés privées sont également une part de marché difficilement accessible, du fait de la pluralité d’acteurs qui agissent sur la décision finale. Contrairement aux bailleurs sociaux, où l’on a à faire à un seul interlocuteur, dans le privé ça se complique avec plusieurs acteurs. Le point positif reste l’ampleur du marché, dont on sait qu’il va se développer à terme, et la quantité de solutions qu’il reste à imaginer et à développer.

Quelles sont les prochaines étapes pour atteindre l’objectif de neutralité carbone ?

C.D.N. – Pour Bouygues Construction, c’est un vrai enjeu. L’objectif de réduction de notre bilan carbone va être très compliqué à atteindre si la part des rénovations, réhabilitations et restructurations n’augmente pas. Il doit y avoir un accompagnement des collaborateurs du groupe, du compagnon au chef de projet, mais également dans les directions, en accélérant la formation. C’est aussi en cela qu’il faut industrialiser et simplifier la rénovation, la main d’œuvre se faisant de plus en plus rare. L’objectif dans un avenir proche, c’est aussi d’optimiser l’utilisation de la data, grâce au développement d’une infrastructure de collecte et de traitement de la donnée énergétique –DATAWATCHER – qui va dans ce sens. On en livre un premier module cette année, avec pour but de développer une plateforme globale d’acquisition de données, qui permettrait de digitaliser la performance énergétique de nos bâtiments et de l’améliorer grâce à un meilleure pilotage. On commence par les fondamentaux : mesurer précisément ce que consomme le bâtiment, parce qu’aussi simple que cela puisse paraître, c’est n’est pour l’instant pas toujours fiable, et cela complique le choix de la solution optimale. En définitive Bouygues Construction s’organise pour relever ce défi incroyable ; et cela sera un succès si chacune de nos parties prenantes, partenaires, clients, collaborateurs, agit dans cette perspective !  
bysprong

Projet de transformation de 207 logements énergivores en bâtiments à énergie positive à Hem près de Lille pour le bailleur social Vilogia remporté par les équipes BYSprong en décembre 2021 pour une livraison prévisionnelle en 2024.