fbpx

[Panorama Villes Durables] #6 Barcelone se transforme avec les super-îlots

4 minutes de lecture
en partenariat avec
Grâce au modèle des super îlots déployés à Barcelone, certains quartiers et certaines rues sont petit à petit rendus aux habitants avec à la clé une nette baisse des niveaux de pollutions, une augmentation du nombre d’espaces verts et un bien-être retrouvé au cœur de la bouillonnante métropole catalane.
Afin de lutter contre les nombreuses pollutions et nuisances liées au trafic automobile, la ville de Barcelone a entamé une mue spectaculaire visant à diminuer la circulation et à redonner une bouffée d’oxygène à ses habitants. On estime que la pollution aux particules fines et au dioxyde d’azote serait à l’origine du décès de 1000 à 3500 personnes par an dans la capitale catalane, tandis que le volume sonore constaté dans certains quartiers dépasse largement le seuil maximal recommandé par l’OMS. Rien d’étonnant lorsque l’on regarde les chiffres : pas moins de 7 000 véhicules au km2 et plus de 60% de l’espace public dédié à la voiture. Barcelone étouffe. Et c’est la raison pour laquelle la Municipalité s’est lancée dans un vaste plan de mobilité depuis presque quinze ans avec comme objectif principal de réduire le trafic routier de 21%.  

Le déploiement des super-îlots

De nombreuses mesures ont été mises en place pour y parvenir, dont la plus emblématique est celle du déploiement d’un modèle d’un genre nouveau à l’échelle d’un quartier : les super îlots (ou superilles en catalan). L’urbanisme particulier de la ville en forme de blocs carrés a permis de penser ce nouveau modèle en délimitant plus facilement les zones où il serait appliqué.     Le principe est de sanctuariser ces mini quartiers en y limitant très fortement le trafic routier et en piétonnisant les rues et intersections, en végétalisant l’espace urbain, et enfin en installant des infrastructures (bancs, tables, espaces de jeux). Bref, l’idée est de rendre l’espace public aux habitants en toute sécurité. Concrètement au sein d’un super îlot la circulation est autorisée, mais à 10 km/h maximum et les véhicules ont l’obligation de tourner à gauche. Ainsi, il est impossible de traverser l’îlot. Le stationnement en surface y est également banni (seuls les parkings souterrains et le stationnement au sein des bâtiments restent autorisés). Ainsi, le trafic routier au sein des super îlots devient mécaniquement réservé qu’aux seuls résidents du quartier. De l’autre côté, les mobilités douces sont au contraire conseillées et encouragées, les terrasses de café agrandies, des aires de jeux pour enfants construites. Ce double cheminement contre le trafic routier a permis aux habitants de reprendre la place qui est la leur au sein des quartiers. Et de pouvoir respirer une bonne fois pour toutes. Car l’accent a également été mis sur la végétalisation de ces nouveaux espaces. C’est un point essentiel tant la ville de Barcelone présentait un retard sur ce sujet. A cause d’un modèle d’urbanisation qui ressemble davantage à Tokyo qu’à Londres, la ville étouffait régulièrement dès les premières chaleurs à cause des trop nombreux îlots de chaleurs urbains créés par une minéralisation à outrance. L’introduction d’espaces verts a maintes fois prouvé son efficacité pour faire descendre la température localement.  

Des résultats concrets

Évidemment, le déploiement d’un tel modèle s’inscrit dans un projet politique fort et sur le long terme. Si d’autres mesures, comme les nombreuses pistes cyclables construites et un plan de transports en commun revu et amélioré, ont accompagné la mise en place de ces nouveaux quartiers, les résultats sur les deux problèmes majeurs de pollution ne se sont pas faits attendre. 30% de dioxyde d’azote en moins dans le quartier de Sant Antoni et une réduction de 82% du trafic routier sur les axes du super ilot, 33 hectares d’espace rendu aux habitants dans le quartier de l’Eixample et plus de 6 ha d’espaces verts en plus. De la même manière, dans le super îlot du Poblenou, la surface des espaces verts a doublé et le trafic automobile a baissé de 58%, pour un niveau sonore à présent inférieur de 5 décibels en journée par rapport à la moyenne avant le super ilot. Il faut noter que la rapide transformation de ces quartiers a été rendue possible par les techniques nouvelles de l’urbanisme tactique ou transitoire. Le principe est de pouvoir ajuster ou modifier temporairement mais surtout rapidement un espace pour de nouveaux usages à l’aide de bacs de fleurs, d’infrastructures légères comme des bancs ou des tables en bois, des éléments de décorations, des blocs limitants etc. Ces techniques ont par ailleurs le mérite de ne pas coûter cher à la municipalité, et sont très facilement adaptables tout en amenant un coup de jeune à la rue.  

Recréer du lien social

On doit l’application de ce concept à l’ancien directeur de l’agence d’écologie urbaine de Barcelone, Salvador Rueda. Piétonniser des quartiers est un modèle expérimenté un peu partout dans le monde. Salvador Rueda l’a dimensionné et “industrialisé” pour la ville de Barcelone, et ce depuis 1993 et le premier super îlot dans le quartier El Born. Il existe aujourd’hui 6 super îlots à Barcelone, dont certains ont été déployés à l’échelle de quartiers entiers et non plus de quelques intersections. C’est le cas du Superilla Sant Gervasi ou celui de Horta. Mais ce modèle de ces îlots va plus loin dans son approche. Le concept permet aux habitants de se réapproprier l’espace urbain laissé depuis de nombreuses années aux véhicules. Ces nouveaux quartiers ont permis de pouvoir de nouveau intégrer les notions de bien être et de mieux vivre ensemble au sein d’une métropole qui en avait bien besoin. En effet, les rues ainsi rendues aux piétons redeviennent de véritables espaces citoyens, des lieux d’échanges, d’apaisement, de lien social. Ce n’est que lorsqu’on limite drastiquement le trafic routier au sein de la ville, qu’on la redécouvre et qu’elle se transforme alors en un formidable terrain de jeu. La capitale catalane a gagné plusieurs prix d’urbanisme et de nombreuses métropoles mondiales réfléchissent très sérieusement à déployer ce modèle urbain d’un genre nouveau.