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Les villes face au défi climatique

4 minutes de lecture
Toutes les villes ne sont pas égales face au changement climatique. Certaines ont publié et engagé leur stratégie de résilience. D’autres tardent à passer à l’action… ou renoncent.
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Les scientifiques français ont révisé à la hausse le réchauffement climatique : + 7° en 2100. Les études menées par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et de Météo-France, révélées mi-septembre, sont terrifiantes, car 70 % des habitants de la planète vivront en ville en 2050. C’est essentiellement aux villes qu’il incombe le respect de l’Accord de Paris. Elles sont partie du problème (elles consomment les deux tiers de l’énergie mondiale et sont responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre), victimes potentielles des catastrophes, et doivent trouver de solutions pour demain, en tant que centres politiques, moteurs de l’économie (elles génèrent 80 % de notre PIB), et centres d’innovation. Les derniers rapports gouvernementaux leur ont rappelé les efforts à fournir pour rester sous la barre des 2° : ne plus vendre de voitures fonctionnant à l’énergie fossile d’ici 2035, réduire les émissions des bâtiments d’au moins 80 % de leur niveau actuel d’ici 2050, atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, réduire les émissions de CO2de 50 % d’ici 2030…

Ce ne sont pas des évolutions naturelles mais des changements radicaux auxquels la société doit faire face

Car les changements sont déjà là. On n’apprendra plus dans les livres de géographie, par exemple, que Paris est « idéalement tempérée ». En 2003, la canicule a tué 700 de ses habitants. Le changement climatique rendra ces vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses. Alors que Paris est l’une des plus grandes capitales d’Europe, elle ne dispose que de 14,5 m² d’espace vert par habitant, contre 45 m² pour Londres, et 321 m² pour Rome. La pierre, l’asphalte, les surfaces imperméables qui recouvrent ses sols n’augmentent pas seulement la chaleur intra-muros mais aussi sa vulnérabilité aux inondations, notamment lors des crues centennales.

La capitale s’est engagée dans une stratégie de résilience « exemplaire », partagée sur le réseau « 100 Resilient Cities » dont elle est membre

« Lorsque nous avons développé notre stratégie,explique Noémie Fompeyrine, en charge du projet résilience à la mairie de Paris, les cours d’écoles et de collèges ont attiré notre attention. Ce sont 70 ha d’espaces extérieurs, facilement identifiables et familiers aux habitants. Aucun Parisien ne vit pas à plus de 250 m de l’une de ces cours. Elles pourraient devenir des lieux publics de proximité, en dehors des temps éducatifs. » La stratégie de résilience de Paris prévoit la rénovation de 761 cours, pour les transformer en « oasis », « conçues avec les habitants et dessinées parfois par les enfants », précise-t-elle. Leurs sols, en terre ou couverts d’un revêtement drainant, peint de couleurs claires, sont ombragés de vergers, de jardins pédagogiques. Les « oasis » assurent à la fois une baisse de la température l’été, plus de douceur l’hiver, et facilitent l’écoulement de l’eau lors des orages. « Grâce à ces oasis, nous atteignons un maximum d’objectifs : renforcer le lien social, la biodiversité, minimiser les risques d’inondation, diminuer l’empreinte environnementale, assurer un support pédagogique. » Trois cours pilotes ont engagé leurs travaux dans les 12ème, 18ème et 20ème arrondissements, pour un coût d’1 million d’euros.

Un quart seulement des villes européennes seraient passées à l’action

« Elles nient le problème, selon le philosophe Dominique Bourg,pour qu’il n’existe pas. » Or ce n’est pas à une catastrophe climatique que les villes vont devoir faire face, mais à plusieurs cataclysmes simultanés, selon une étude publiée en novembre 2018 dans la revue Nature Climate Change. Les zones côtières seront les plus vulnérables, et toutes les villes ne sont pas également armées face au défi climatique. « New York dépense sans compter pour se protéger de la montée des eaux », titrait Le Figarole 25 octobre. Mais Saint-Martin, aux Antilles, par exemple, dévastée il y a deux ans par l’ouragan Irma qui a fait onze morts et a valu l’exode de près de 8 000 habitants sur 35 000, a du mal à se préparer à demain. « Nous devrions construire de façon plus résiliente, mais cela coûte quatre fois plus cher si l’on veut intégrer la problématique antisismique, déplore Daniel Gibbs, président du conseil territorial. Le coût n’est pas le seul frein, les lourdeurs administratives en sont un également », précise-t-il. « La résilience est un processus lent, laborieux ; elle exige une vision à long terme et beaucoup de flexibilité,soutient Noémie Fompeyrine. Or l’horloge climatique s’affole de plus en plus vite. Pour les court-termistes, le challenge n’est pas tenable. » Ainsi le Président indonésien Joko Widodo a-t-il annoncé le déménagement de sa capitale de Jakarta à l’île de Bornéo. Polluée, surpeuplée, elle est surtout menacée d’engloutissement : « Au rythme actuel, un tiers de la ville pourrait se retrouver sous les eaux d’ici 2050, selon des experts environnementaux. Le poids des constructions et gratte-ciel fragilise un peu plus les fondations de cette ville, bâtie sur des marécages », publiait le journal Les Echosle 16 août dernier.

L’inégalité des villes se lit dans leur rapport à la nature, selon leur capacité à coopérer ou non avec elle, au lieu d’essayer de la défier

La philosophe Joëlle Zask parle d’« anthropisation de la nature »pour définir cette relation d’entretien, de partenariat. Elle est la meilleure des infrastructures – une infrastructure verte – pour favoriser la résilience en absorbant le carbone, réduisant les risques d’inondation, régulant la température, diminuant les nuisances sonores… Une étude américaine sur le rôle des espaces publics dans la cohésion sociale (Public Space Design and Social Cohesion, Patricia Aelbrecht, ‎Quentin Stevens – 2019) souligne l’intérêt des parcs de Philadelphie : ils rapportent cent fois plus que ce qu’ils coûtent annuellement, en comptant les dépenses évitées pour la gestion des crues et des orages, les comportements antisociaux, la santé… Les solutions fondées sur la nature : le concept a émergé en même temps que celui de résilience. Ce n’est sans doute pas un hasard.    Cet article est extrait de notre dossier prospectif « Résilience, faut-il être dos au mur pour agir ? ». Pour lire le dossier complet, cliquez ici.