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Les puits de carbone technologiques, réel levier contre le dérèglement climatique ?

3 minutes de lecture
Outils essentiels pour lutter contre le dérèglement climatique, les puits de carbone soulèvent des enjeux de protection et de restauration de l’environnement mais également d’innovation technologique.
Forêt puits de carbone - crédit Shutterstock
Certains sont naturels, d’autres sont des conceptions anthropiques. Mais tous agissent pour capter le carbone et diminuer à terme la pollution atmosphérique. Déjà abordés dans notre note de tendance sur la Résilience Climatique, intéressons-nous aujourd’hui aux perspectives d’évolution technique des puits de carbone et à la capacité d’absorption des dispositifs mis en place.  

Un dispositif naturel et technologique…

Deux puits « naturels » absorbent le CO2 émis dans l’atmosphère : les océans et les écosystèmes continentaux (dont le sol est le principal récepteur, notamment pour les systèmes forestiers où le stock de carbone est situé sous la surface) : forêts, prairies, zones humides, etc. De manière naturelle, l’atmosphère échange depuis des milliards d’années du carbone avec les autres sphères (hydrosphère, lithosphère, biosphère) dans des réservoirs où est stocké le carbone produit naturellement. Néanmoins, depuis quelques années se développent d’autres formes de puits visant à l’absorption du CO2 produit par l’homme, produit en quantité largement supérieure que ce que les puits naturels ont actuellement la capacité d’intercepter : 39 milliards de tonnes de CO2 en 2020. Des dispositifs technologiques mis en place pour capter les flux de carbone, les stocker ou les absorber. Deux leviers sont actuellement activables : soutenir le renforcement du cycle du carbone dit « naturel » par la reforestation, les pratiques écologiques… Et celui de l’innovation, en concevant des puits « technologiques » ou « anthropiques », artificiels, qui miment les actions d’un puit naturel.  

…Avec un impact relatif sur le dérèglement climatique

Le rapport du GIEC de 2021 élabore plusieurs scénarios en termes de dérèglement climatique. Si le scénario optimiste ne prévoit pas l’annihilation totale de la capacité d’absorption des puits de CO2, un scénario catastrophe ferait de ces anciens lieux de stockage les nouvelles sources de carbone atmosphérique. L’assèchement des différents biomes (notamment la forêt boréale et tropicale humide), la modification des courants océaniques ou encore l’acidification des océans peuvent, à terme, faire que ces anciens puits naturels de carbone ne soient plus en mesure de capter le CO2 et se mettent au contraire à en produire. Pour pallier ces éventualités, en septembre 2021, la commission européenne pose les jalons de la stratégie environnementale en matière de puits de carbone. L’objectif de neutralité carbone annoncé pour 2050 est soutenu par la mise en place de manière croissante de ces solutions absorbant le surplus de carbone par des moyens naturels ou artificiels. Si cet objectif passe d’abord par la réduction des GES, on retrouve parmi les plans d’action la mise en place d’un nouveau modèle économique, le « carbon farming » qui vise à récompenser économiquement les bonnes pratiques en termes de stockage et d’absorption du CO2 par les acteurs du monde agricole et forestier. Les innovations techniques sont vastes et peuvent aller de la captation à la source à l’enfouissement du CO2. Mais la capacité de stockage varie largement selon les solutions choisies et peine, à elle seule, à réduire de manière durable les conséquences du changement climatique. Les solutions visant à utiliser la biomasse posent également la question de la durabilité et la gouvernance de tels projets. Nécessitant des surfaces arables toujours plus grandes, elles mettent à mal les productions alimentaires et ce, principalement dans les pays des Suds, pour permettre aux pays du Nord de « compenser » leurs émissions. D’où la nécessité de mettre en place des puits de carbone résilients, s’adaptant aux besoins des populations et aux changements environnementaux.

. Des innovations prometteuses en termes de capacité d’absorption

Développé dans le rapport global sur le CSC (captage-stockage géologique de carbone), l’exemple du projet norvégien d’infrastructure partagée de transport et stockage du CO2, Northern Lights est aujourd’hui l’un des plus avancé et innovant en Europe. Avec ce projet, la Norvège prévoit de capter le CO2 dans plusieurs installations industrielles du Nord-Ouest de l’Europe. Lors de sa mise en service en 2024, Northern Lights sera le tout premier réseau d’infrastructures de transport et de stockage de CO2 transfrontalier ouvert aux tiers. Northern Lights englobera la collecte du CO2 liquéfié, son expédition vers un terminal côtier situé à l’ouest de la Norvège pour un stockage temporaire puis, son acheminement final sur le lieu de stockage offshore permanent situé à environ 2 600 mètres sous le plateau océanique norvégien. Une campagne de forage débutera bientôt afin d’étudier l’aptitude et la capacité de stockage du CO2 par le plateau. Une autre forme de captation tend à se développer en Europe, celle de la CDA (captage direct de l’air). Le principe de la décarbonation de l’air peut poser question quant à sa pertinence, quand on sait que la concentration de CO2 provenant des activités industrielles n’excède pas 0,4% dans l’air ambiant. Néanmoins, les systèmes de CDA se développent auprès de certains industriels. C’est le cas de Climeworks, une firme suisse, qui en 2021, lance en Islande le projet Orca : la plus grande usine de captage et de stockage d’air direct au monde. L’entreprise annonce une capacité de capture allant jusqu’à 4 000 tonnes de CO2 par an. Du côté des puits de carbone « naturels », la réelle innovation se trouve dans la gouvernance et l’échelle d’application du projet. La neutralité carbone doit être pensée à l’échelle du territoire pour compenser de manière idéale les émissions locales. A Marseille par exemple, le projet innovant de Prométhée-Med, lancé en 2021, vise à protéger les herbiers de Posidonie, endémique de la Méditerranée, dans le cadre du label bas-carbone Français dans le site pilote du Parc national des Calanques. Ces herbiers marins jouent un rôle majeur dans la captation et le stockage de carbone, s’élevant jusqu’à 1500 tonnes par hectare (3 à 5 fois plus que les forêts tropicales). Le projet met donc à l’honneur le carbone bleu pour permettre aux entreprises locales de compenser leurs émissions de CO2.  

Pour conclure…

Entre puits de carbone naturels à préserver et course aux nouvelles technologies pour en créer des artificiels, n’oublions pas enfin que la neutralité carbone ne repose pas uniquement sur la capacité de stockage et de captation du CO2 mais par son émission. Or nos émissions sont croissantes ; et si les innovations du numérique permettent d’envisager une réduction de notre empreinte environnementale, la sobriété de nos modes de vie semble être de plus en plus un impératif.