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RE2020 : quels changements pour l’habitat de demain ?

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L’arrivée de la RE2020 concrétise encore un peu plus l’ambition de la ville décarbonée. La grande nouveauté de cette réglementation thermique consiste à non seulement considérer les économies d’énergies à l’échelle de chaque nouvelle construction, mais aussi intégrer l’impact carbone dans les différentes mesures qui leur sont liées. Une logique qui pourrait non seulement permettre de transformer nos pratiques de construction mais aussi la manière dont les habitants pourront s’approprier et vivre demain au sein de leur logement et à l’échelle de leur quartier. Alors quels sont les changements à venir ? Quels impacts imaginons-nous dès à présent pour le monde de la construction ? Et de quelle manière nos modes d’habiter vont-ils devoir évoluer ?
matériau bois RE2020

RE2020, quels changements pour le secteur du bâtiment ?

La RE2020, nouvelle réglementation qui remplace l’ancienne RT 2012 à partir du 1er janvier 2022, vise à réduire l’empreinte carbone des bâtiments neufs sur toute la durée de leur cycle de vie estimée à 50 ans. Alors que le secteur du bâtiment demeure encore, avec 45% de la consommation totale, le plus énergivore en France, et ce malgré les efforts effectués par les acteurs de la construction ces dernières années, la nouvelle réglementation 2020 se veut désormais environnementale et non plus seulement thermique. C’est donc un levier d’action indispensable dans la lutte contre le réchauffement climatique qui permettrait ainsi d’atteindre l’objectif de la neutralité carbone en 2050. Pour parvenir à la réduction des émissions de gaz à effets de serre, l’ensemble des secteurs de la construction devront donc remettre en question leurs manières de construire car le bâtiment représente aujourd’hui à lui seul, 40% des émissions de gaz lié à la fois aux matériaux utilisés et à l’ensemble des phases de construction du bâti.
Pour aider aux changements de pratiques professionnelles, la RE2020 poursuit trois grands objectifs :
  • la construction de logements plus respectueux de l’environnement par une réduction de leur empreinte carbone par le choix des matériaux et la leur mise en œuvre ;
  • la réduction des consommations d’énergie au sein des bâtiments par le déploiement de solutions bioclimatiques ;
  • l’amélioration du confort thermique des logements, notamment lors des épisodes caniculaires estivaux.
  La RE2020 est bien différente de la RT 2012 quant à son approche environnementale, prise en compte de manière plus importante et plus approfondie. Avec l’arrivée de cette réglementation, les modes constructifs émettant peu de gaz à effet de serre sont encouragés, en prônant une éco-conception jusque dans le choix des matériaux et des équipements. Ainsi, il semble évident que nous devrons, demain, trouver les moyens et les process pour privilégier le recours à des matériaux biosourcés comme la paille, le chanvre et le bois, considérés comme capables de « stocker » le CO2.  L’impact environnemental de chaque matériau, de chaque équipement et de chaque unité d’énergie consommée est évalué lors d’une Analyse de Cycle de Vie du bâtiment (ACV).
comparatif RT 2012 et RE 2020

Source : Maison Bebium

  Cette logique de décarbonation d’un bâtiment tout au long de sa vie, de sa construction jusqu’à sa déconstruction implique donc une maîtrise de chacun de ses étapes de vie, encourageant alors une ambition commune à l’ensemble de la filière : de l’industriel au maître d’œuvre jusqu’à l’ouvrier du bâtiment ; de la maintenance aux acteurs de l’aval avec la déconstruction et le recyclage. L’objectif commun étant bel et bien d’améliorer les qualités constructives et les futurs usages par des matériaux et des méthodes de construction respectueuses de l’environnement.

Plus de confort pour l’habitat de demain

La RT2012 s’était grandement inspirée d’une expérimentation qui l’a précédée, à travers le label bâtiment basse consommation (BBC). De la même manière, l’État a lancé en 2017 l’expérimentation E+C-, pour caractériser les bâtiments à la fois sobres en énergie et en carbone, servant ainsi de point de départ pour élaborer la RE2020. Grâce à cette réglementation environnementale, la France a renforcé sa production de bâtiments à énergie positive, dits BEPOS. Autrement dit, des futurs logements neufs construits qui produisent plus d’énergies qu’ils n’en consommeront. Depuis 2018, le label E+ C- récompense les bâtiments produits dans ce sens, qui produisent plus d’énergie (E+) qu’ils n’en consomment (C-). Se lancer dans la construction de BEPOS revient à utiliser des énergies renouvelables, des matériaux biodégradables, géo-sourcés et mixtes comme le bois aux dépens de l’acier de valoriser l’isolation thermique pour garantir une efficacité énergétique durable, notamment en isolant sa toiture ou ses combles, d’utiliser des moyens de ventilation éco responsables et durables, d’utiliser un système de chauffage utilisant un combustible biomasse comme les granulés de bois.
RE 2020 confort logements

© Nikguy sur Pixabay

Derrière ces nouveaux objectifs apparaît alors la maîtrise d’un meilleur confort des logements construits. Les dernières années ont été le symbole de crises climatiques et sanitaires qui ont souvent montré que les qualités constructives des logements n’étaient pas à la hauteur des attentes des usagers. Étés caniculaires et épisodes de grands froids hivernaux obligent alors à composer les pertes thermiques des logements par une surconsommation énergétique. Au vu du dérèglement climatique qui s’annonce de plus en plus fort, la RE2020 nous invite, en tant qu’acteurs des territoires, à réinterroger la conception des logements afin de les rendre plus performants énergétiquement et thermiquement parlant.  

Dépasser la construction pour agir par l’usage, vers plus de frugalité ?

Comme le dit le dicton « l’énergie la moins chère et la moins polluante est celle que l’on ne consomme pas”. Ce principe pourrait en réalité s’appliquer à la logique Négawatt qui existe depuis plusieurs années concernant la consommation énergétique. Néanmoins, aujourd’hui nous devons l’élargir à l’ensemble de la consommation des ressources naturelles ainsi que des émissions carbone, afin de réellement nous donner les moyens de tendre vers la frugalité, s’agissant de  la construction de la ville et de ses usages. Acteurs des territoires durables, nous sommes aujourd’hui responsables des ouvrages que nous produisons pour les générations futures. Et à ce titre, il s’agit de repenser nos process et plus largement la manière et les lieux que nous concevons et qui seront demain habités par le prisme de la frugalité, de la gestion de la ville, du coût énergétique de leurs usages et de leur déconstruction. Un cycle de vie complet que nous devons nourrir de solutions low-tech basées sur l’intelligence des concepteurs et des usagers. Alors que la RE2020 lance un nouvel horizon dans les exigences environnementales à adopter pour les prochaines années, des équilibres restent à trouver. Que ce soit sur l’échelle, celle du bâtiment, du quartier ou de la ville, ou encore l’évolution des futurs usagers accueillis au sein des bâtiments, des paradoxes sont encore à creuser. En effet, il peut arriver que certaines constructions soient moins décarbonées à la construction mais se révèlent plus décarbonées en termes de fonctionnement. Même si la RE2020 tend à prendre conscience de l’impact carbone d’un bâtiment tout au long de sa vie, il serait intéressant de prendre en compte des critères d’usages secondaires (mobilité, biodiversité, agriculture…) en plus de ceux primaires (se chauffer, se divertir, s’alimenter…) dans la durée de vie du bâtiment. Ces derniers sont bien souvent plus impactants environnementalement que la construction en elle-même. Alors pour les prochaines années, le mot d’ordre ne serait-il pas celui de la frugalité ? Porté depuis quelques années par l’architecte Philippe Madec, ce mouvement nous invite à réinterroger nos modes constructifs afin de répondre à un enjeu global : celui de l’économie (de matière, d’énergie et de technicité), le tout dans une vision de bien-être habitant puisqu’il la qualifie lui-même d’heureuse. L’enjeu n’est donc pas seulement de répondre chacun à son niveau au défi de l’application de la RE2020, mais bien de le dépasser afin d’interroger l’ensemble des maillons qui composent l’écosystème de la construction, pour parvenir à une articulation qui soit plus vertueuse des métiers et qui dépasse les blocages actuels dans le but d’atteindre des bénéfices environnementaux très forts. Et au-delà de ce premier sujet, la question des usages reste centrale, car la manière dont on conçoit les bâtiments aujourd’hui, pourra demain se révéler décisive pour développer des usages plus vertueux, capables de fabriquer des territoires résilients. Il en va de notre responsabilité.   Une tribune de Yoann Sportouch, rédacteur en chef du blog Les Lumières de la Ville, le média de l’agence LDV Studio Urbain.