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Comment concevoir des toitures végétalisées ?

4 minutes de lecture
Les toitures végétalisées ont le vent en poupe. Et pour cause ! Elles présentent de nombreux avantages environnementaux, économiques et sociaux. Outre leur aspect esthétique, elles peuvent favoriser la biodiversité, améliorer l’isolation des bâtiments et retenir l’eau pluviale. De récentes recherches menées par des écologues affinent la connaissance des conditions d’accueil et de développement de la végétation en toiture et évaluent la qualité des services écosystémiques rendus selon les types de toitures. Tour d’horizon pour guider les choix de conception de ces écosystèmes.
Toiture végétalisée prospective
Une toiture végétalisée est un toit plat, accessible au public ou non, pouvant recevoir une circulation et accueillant de la végétation. Elle forme un écosystème composé d’éléments minéraux et organiques (le substrat) et de la faune et de la flore qui s’y développent. Son usage est très développé dans certains pays. En Suisse, la ville de Bâle est la mieux dotée au monde avec 30% de toitures plates végétalisées. Depuis le début des années 2000, la municipalité impose la végétalisation aux propriétaires d’un toit plat de plus de 10 m².  

Services écosystémiques rendus par les toitures végétalisées

Aujourd’hui, les professionnels du bâtiment et de l’aménagement sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à ces dispositifs et à les mettre en œuvre. Leurs multiples services écosystémiques rendus apparaissent comme un levier pour prendre en compte les enjeux de déclin de la biodiversité, de changement climatique et de santé publique. D’un point de vue environnemental, ces dispositifs contribuent à la rétention des eaux de pluie et à l’accueil de la biodiversité. En captant une partie des eaux de pluie et en différant dans le temps l’évacuation des eaux pluviales vers les réseaux, les toitures végétalisées contribuent à améliorer la gestion des eaux pluviales. Elles peuvent également constituer des lieux d’accueil, de circulation, de repos, de reproduction ou d’alimentation pour des communautés d’oiseaux et d’insectes ainsi que la microfaune et la flore sauvage indigène. La végétalisation des toits est parfois perçue comme un risque pour l’étanchéité du bâtiment. Au contraire, la végétalisation protège le bâti et la couche d’étanchéité en réduisant les écarts de température et en les protégeant des rayons ultraviolets, moyennant un entretien régulier. Les toitures végétalisées ont ainsi un effet positif sur l’isolation thermique du bâtiment. Elles sont parfois intégrées dans les projets de rénovation énergétique des copropriétés, à l’image de la résidence Desnouettes dans le quinzième arrondissement parisien. Les copropriétaires ont choisi de traiter l’étanchéité des toitures des bâtiments bas avec une protection végétalisée qui représente une surface de près de 600 m².

L’intérêt concerne également le bien-être et la santé humaine.

En été, les toitures végétalisées contribuent à rafraîchir les immeubles et leur environnement proche en participant à l’humidification de l’air grâce à l’évapotranspiration, dont l’effet est renforcé lorsque la toiture est arrosée. Le couvert végétal réfléchit également le rayonnement solaire, limitant ainsi l’absorption de chaleur par les toits. Tout au long de l’année, la présence de végétaux, visibles depuis la rue ou les immeubles voisins, concourt à répondre à la demande grandissante des citadins en mal de nature. L’impact est décuplé lorsque les toitures sont ouvertes au public ou accueillent des projets d’agriculture urbaine, propices aux interactions sociales.

La biodiversité varie selon plusieurs paramètres de conception des toitures.

En France, le marché est estimé à environ 1,5 millions de m² réalisés par an. La majorité des toitures végétalisées sont dites « extensives », c’est-à-dire que leur profondeur de substrat est inférieure à 15 cm. Leur succès repose sur leur légèreté, leur facilité d’installation, leur faible coût et le peu d’entretien nécessaire. La profondeur du substrat augmente pour les toitures dites « semi-intensives » (15 à 30 cm) et les toitures « intensives » (supérieure à 30 cm). Une quatrième catégorie, les toitures « wildroof », correspond à un substrat seul de profondeur variable, sans plantation. Les bénéfices apportés par ces différents types de toitures ne sont pas équivalents, ainsi que le suggère l’étude GROOVES (Green ROOfs Verified Ecosystem Services) initiée par l’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France. 36 toitures franciliennes de typologies différentes ont été analysées de 2017 à 2019 au moyen d’inventaires des plantes et des invertébrés et de prélèvements de substrat. Il apparaît que la richesse floristique augmente en fonction de l’épaisseur du substrat jusqu’à 25 cm d’épaisseur et que la diversité des pollinisateurs continue d’augmenter au-delà de ce seuil. Bien que moins diverses en espèces, les toitures « extensives » et « wildroof » présentent une composition particulière qui diffère des autres types de toitures. Mais d’autres paramètres de conception font varier la biodiversité. La composition du substrat joue également un rôle important : une teneur en argile d’environ 10% et en sable autour de 60% permet un maximum de richesse floristique. Concernant la rétention d’eau, les toitures capables de réguler une pluie décennale ont des substrats de type « terres agricoles » et s’approchent de 30 cm de profondeur. La hauteur des bâtiments entre également en jeu. Selon l’étude, l’effet sur la richesse en plantes semble positif Jusqu’à environ 10 mètres de hauteur (soit 3 étages), mais n’augmente plus par la suite. A l’image de cette étude, les retours d’expériences se multiplient, offrant de précieux enseignements à l’attention des concepteurs. Le guide « Végétalisation du bâti existant » de l’Agence Qualité Construction et Ekopolis recense, exemples à l’appui, douze enseignements basés sur les principales références réglementaires et attirent l’attention sur les principaux points de vigilance à observer tant en phase conception, que de mise en œuvre ou d’entretien.  

Intégrer les dispositifs de toitures végétalisées dans une approche systémique.

Les projets se multiplient, dont certains à grande échelle, à l’image du Biotope, bâtiment développé par Linkcity Nord-Est, imaginé par les architectes Henning Larsen Architects (Danemark) et Keurk Architecture (Lille) et construit par Bouygues Bâtiment Nord-Est. Siège de la Métropole Européenne de Lille, ce bâtiment labellisé Biodivercity comprend plus de 3 000 m² de terrasses végétalisées. Au total, 150 arbres, 600 arbustes et 15 000 vivaces ont été plantés. Au-delà de la quantité impressionnante d’espaces verts en toiture, l’innovation tient également au cheminement suivi. Ecologues, pépiniéristes et paysagistes ont travaillé de concert pour identifier les espèces les plus adaptées à ce contexte très particulier. La réflexion a également pris en compte le bien-être des usagers, en travaillant sur la perception des espaces végétalisés par les cinq sens : bruissement des feuilles, couleurs des fleurs, odeur des aromates, espaces fruitières comestibles. Si l’on ne peut que se réjouir de l’augmentation de la demande en toitures végétalisés, une vigilance particulière s’impose quant à leur mode de production. En effet, l’utilisation de terre agricole a des impacts sur des terres fertiles et sur la pérennité des sols concernés. Mieux vaut donc privilégier des substrats de récupération telles que les terres excavées de chantiers. Par ailleurs, les toitures végétalisées sont un élément de la boîte à outils pour mieux prendre en compte les enjeux liés au déclin de la biodiversité et au changement climatique dans l’aménagement urbain et la construction des bâtiments. Pour autant, ces dispositifs ne sauraient constituer à eux seuls une réponse à ces enjeux et doivent s’intégrer dans une approche plus systémique. Comme l’indiquent les écologues Marc Barra et Hemminki Johan dans une note de l’Institut Paris Région, « la végétalisation du bâti ne doit pas servir de caution verte à des projets d’aménagement contribuant à l’artificialisation des sols ».
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