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Stéphanie Barrault, chef du projet Circular Design Experience : appliquer l’ensemble des principes d’économie circulaire au secteur du bâtiment

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En France, le secteur du bâtiment génère chaque année plus de 40 millions de tonnes de déchets et consomme de grandes quantités de ressources pour répondre aux besoins de la rénovation et de la construction neuve. Une situation qui contribue à menacer certaines ressources de raréfaction, voire de pénurie, à plus ou moins long terme. C’est par exemple le cas du sable, dont le secteur est un gros consommateur.
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Prendre en compte la « finitude » de la Terre et le caractère limité de certaines ressources implique de reconsidérer nos pratiques et de faire évoluer nos modèles. En particulier, en tendant vers un modèle économique circulaire, qui limite le gaspillage des ressources et réduit l’impact environnemental lié au système économique d’échange et de production. Dans ce contexte, Bouygues Construction a mené le projet de R&D (Recherche & Développement) intitulé « Circular Design Experience ». Interview de Stéphanie Barrault, en charge de ce projet.

En quoi consiste-t-il et quel est son objectif ?

Le projet Circular Design Experience vise à explorer le potentiel d’application de l’ensemble des principes de l’économie circulaire au secteur du bâtiment, dans un souci de s’affranchir au maximum de l’utilisation de ressources non renouvelables dans les projets de construction et de rénovation. L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) a défini sept piliers de l’économie circulaire qui font aujourd’hui consensus entre les acteurs. Pourtant, l’approche d’économie circulaire est encore trop souvent limitée aux sujets des déchets et des ressources. A titre d’exemple, les certifications actuelles du secteur du bâtiment se concentrent surtout sur la consommation responsable des ressources et le recyclage. l’économie circulaire infographie Or, basculer vers un modèle économique circulaire implique d’agir sur l’ensemble des piliers : éco-conception du bâtiment afin de limiter les futures consommations d’eau et d’énergie, réduction de la consommation de matières premières, approvisionnement local, maîtrise des impacts environnementaux du chantier de construction, recyclage des produits en fin d’usage ou de vie, optimisation de l’intensité d’usage du bâtiment, anticipation du potentiel de réemploi de matériaux au moment de la rénovation ou de la déconstruction, etc. C’est l’ambition de ce projet : explorer tous les leviers disponibles pour injecter les principes de circularité dans nos projets.

Comment s’est déroulé le projet et quels ont été les outils mis en place ?

Lancée en mai 2019, la démarche s’est déployée pendant 6 mois sous la forme de cinq groupes de travail qui ont mobilisé une quarantaine d’experts. Deux d’entre eux portaient sur le volet technologique : quelles structures alternatives au béton (béton  bas carbone, béton auto-réparant, terre cuite, façade en paille porteuse, etc.) et quel potentiel de réemploi pour les matériaux de finitions intérieures (peinture, menuiseries intérieures, sols,  etc.) ? Deux autres ont exploré le volet conception : comment intégrer les contraintes programmatiques liées à la circularité des bâtiments et quels usages potentiels des bâtiments pour un fonctionnement plus vertueux ? Enfin, un atelier transverse était dédié au calcul de la performance multi-critères pour définir un système d’évaluation de la performance qui réponde aux enjeux de l’économie circulaire. L’objectif était de doter toutes les équipes de Bouygues Construction œuvrant dans le bâtiment d’outils d’aide à la décision et des clés pour introduire des solutions d’économie circulaire dans leurs projets : guide d’accompagnement « économie circulaire » pour les équipes de conception, grille d’indicateurs et outils pour évaluer la performance multicritère des produits et des bâtiments, catalogue de matériaux de finitions intérieures ayant un potentiel de réemploi avec recommandations d’usages et évaluation de leur potentiel de « circularité », etc.

Quels principes ont-ils guidé la démarche ? En particulier, qu’avez-vous envisagé pour favoriser l’appropriation opérationnelle des outils ?

Les groupes de travail ont été constitués sur la base du volontariat. Aux côtés de personnes ressources expertes des sujets traités, les collaborateurs volontaires ont pu rejoindre la démarche. Un moyen d’intégrer dès le démarrage les préoccupations de terrain et de s’assurer de l’adéquation pratique des outils. Nous avons également cherché à nous insérer au maximum dans les pratiques opérationnelles existantes afin de favoriser l’appropriation des outils et leur utilisation dans les projets. Nous avions toujours à l’esprit que les outils devaient accompagner le process de développement d’un projet et non pas l’inverse. Sur le volet programmation par exemple, nous avons travaillé à partir des outils existants, en y injectant les principes et questionnements liés à l’économie circulaire. En phase diagnostic, nous intégrons ainsi une méthodologie pour identifier de façon globale les enjeux d’économie circulaire du territoire et du site étudié : système économique local, capacité d’autosuffisance alimentaire du territoire ou encore métabolisme urbain sont quelques-unes des dimensions qui feront l’objet d’une analyse par nos équipes de développement de projets. Autre élément approfondi, le programme fonctionnel cherche dès l’amont à réduire la consommation de ressources, en explorant par exemple les capacités d’hybridation du bâtiment : favoriser la flexibilité journalière pour intensifier l’usage des bâtiments et diminuer les besoins de construction, permettre une réversibilité d’usage à long terme, etc.

Quelles sont les perspectives et les prochaines étapes ?

Un premier retour a été réalisé en 2019 sur le projet urbain de La Maillerie, site de 10,5 hectares situé au cœur de la métropole lilloise sur un ancien site logistique des 3 Suisses. Dorénavant, l’ambition est d’accompagner plusieurs projets pour mettre en application les principes et les outils nés de cette démarche. En 2020, l’objectif sera également de compléter la démarche en explorant d’autres dimensions : étudier le potentiel de résilience et de durabilité des installations techniques et envisager les possibilités de démontage, de réutilisation et d’intégration de matériaux biosourcés pour l’enveloppe du bâtiment. Enfin, des synergies seront à réaliser avec d’autres démarches de R&D menées au sein de Bouygues Construction afin de mettre en cohérence les outils. Plusieurs projets de R&D convergent, comme le Concept Building Bas Carbone qui réfléchit à un modèle de bâtiment le moins émetteur possible de CO2. Il faut que nos démarches soient en adéquation pour nos clients et nos collaborateurs.